Jean Giono est tout étonné lui-même d'avoir résolu de voyager, lui qui bouge peu ; et l'Italie n'est pourtant pas bien loin de sa Haute-Provence, qu'il connaît et décrit si bien. Il décide de s'y rendre par ces montagnes qu'il affectionne, et en évitant soigneusement cette vulgaire Côte d'Azur. Cette mention, apparemment insignifiante, en dit assez long sur ce qu'il recherche et sur son état d'esprit.
En effet, habitué du monde paysan, affectionnant peu la peinture, il recherche des éléments de vie quotidienne, de sincérité, les points de comparaison et de divergence avec sa proche Provence.
Dans le Piémont et en Lombardie, vers Turin et Milan, il recherche l'ambiance de la réunification italienne, des combats mêlés entre Français et Italiens, qui lui ont inspiré son Hussard sur le toit.
A Venise, il se plaît à fuir les industries patrimoniales et la foule, pour tenter de découvrir comment on y vit, les éléments de simplicité, le calme nocturne après le brouhaha, et la description de la cité ouvrière de Mestre avant son arrivée montre bien sa recherche d'authenticité.
Par la suite, il avoue préférer Padoue, plus naturelle et tout aussi belle, moins artificielle, et moins fausse dans ses rapports et apparence sociales.
Aussi aime-t-il Florence, pour sa gravité, son aspect méridional, ses intrigues, son héritage intellectuel et politique (ce fut la ville de Machiavel, ce qui le fascine beaucoup).
Un certain regard nous est donc ici livré. Il est cohérent et sincère, transparent, le style sec et analytique, à son image. L'auteur assume ses goûts, sa subjectivité, ses origines, ses objectifs, ce qui le dérange et le met à l'aise.
Ce voyage personnel est une occasion, plus que de découvrir ce pays voisin, de mieux connaître l'homme, de le cerner, de mieux comprendre ses repères ; et cela éclaire ou complète ses autres oeuvres, ses écrits sur la Provence, sur le monde paysan, également son roman le plus célèbre. S'il ne présente finalement qu'assez peu de l'Italie, ce qui peut évidemment décevoir, il livre son monde de représentations et de valeurs, et c'est en cela que ce livre n'est pas vain.