Voyages de Gulliver par Tídwald
J'ai lu Gulliver pour la première fois quand j'avais neuf ou dix ans. Une traduction complète, pas une édition abrégée pour enfants : je me rappelle clairement avoir lutté avec le style de Swift. Mais je me suis accroché, parce que l'histoire était super : des voyages dans des pays inconnus aux habitants étranges, des aventures à la pelle, tout ce qu'il faut pour satisfaire un gosse de dix ans qui aime lire ! Bien sûr, à l'époque, tout le côté satirique me passait complètement au-dessus de la tête.
Je viens de relire Gulliver en VO. Évidemment, entre-temps, j'ai lu énormément de livres sur des voyages en pays imaginaires, et j'ai aussi lu mon comptant de satires ; et Swift me semble décevant sur les deux plans. Je sais bien qu'il ne visait absolument pas à la « suspension consentie de l'incrédulité » chère à Coleridge, mais bon sang, il aurait quand même pu faire un effort pour que ses civilisations ne ressemblent pas autant à des créations ad hoc uniquement présentes pour faire passer son message !
Et que dire du message ? J'aime l'histoire, mais les querelles entre Whigs et Tories dans l'Angleterre du XVIIIe siècle c'est juste inintéressant à l'extrême. C'est au point où mon édition compte une cinquantaine de pages de notes pour expliquer de la gueule de qui ou de quoi Swift se moque dans les passages concernés. Un lecteur du XXIe siècle aura de la peine à se sentir concerné, hormis peut-être par certains passages de la troisième partie (progrès scientifique, immortalité, spiritisme) et le sommet de misanthropie qu'est la quatrième.
Cela dit, pour arriver jusque là, il faudra se fader une quantité d'humour scatologique digne des pires épisodes de South Park : ça pisse et ça chie à tout va dans ce roman. Ça lasse très vite, mais c'est l'une des constantes du bouquin.
Bref, je n'ai pas vraiment pris plaisir à ma lecture ; le 6 est davantage une note de respect pour le caractère précurseur du truc et quelques moments qui m'auront fait sourire. Mais vous aimerez sans doute davantage Gulliver si vous êtes moins obsédé par la mythopoéia ou plus obsédé par le caca que moi.