"Jeff Noon est né de la copulation contre-nature d'un caillou de crack, d'une platine de DJ et d'un stylo Bic tout rongé."
C'est par cette bien énigmatique introduction de critique d'ElGato (http://www.senscritique.com/livre/Vurt/critique/360421) et par les chroniques non moins étranges de la Salle 101 que j'entends parler de Jeff Noon et de son Manchester psychédélique.
Après avoir bouclé "Pollen", il faut que je me pose un moment pour écrire une bafouille sur le premier que j'ai lu, "Vurt".
Jeff Noon nous embarque à la suite d'un groupe de junkies dans un Manchester du futur, oubliez voitures volantes et monde connecté. Le monde de Noon est tourné vers son pendant rêvé, le Vurt. Je serai bien incapable d'en donner une définition claire et fidèle à l'auteur, mais il vous faut saisir l'idée. Le Vurt découvert par miss Hobart, c'est le monde auquel on accède en prenant des plumes-rêve. Selon la couleur ces plumes sont légales ou illégales, dangereuses ou pas. Notre groupe a fait l'expérience ultime d'une plume jaune, hautement illégale et mortelle, et y a échangé Desdemone, soeur de Scribble, le héros, leur but est de retrouver cette même plume et de faire l'échange inverse.
Tout ceci parait bien simple sauf que ce Manchester est un bordel incroyable, les humains sont toujours là mais existent aussi des ombres, des chiens, des robots et des mélanges de toutes ces races. Le road-movie halluciné de la bande à Scribble va les mener dans le vurt, chez des DJ-chiens, chez une star du porno-vurt et j'en passe. L'histoire est dense et manque un peu de liant, on passe souvent d'un événement à un autre en oubliant ce que les héros foutent là ...
Le coeur du livre c'est son ambiance, c'est un roman poisseux, chaque page émet une odeur de renfermé ou de pourriture. La violence, le sang et la sueur sont omniprésents. J'ai eu le même sentiment avec la Nouvelle-Crobuzon de China Mieville, mais cette fois-ci l'effet en est décuplé. Heureusement, malgré cet apparent cloaque, Noon distille au compte goutte des clés qui permettent de comprendre ce monde (ce sera encore plus le cas dans "Pollen").
L'auteur se plait à nous laisser dans une situation d'inconfort pendant toute la lecture. Le fait que le héros cherche à récupérer sa soeur pour rétablir leur relation incestueuse (euh ...) rend très mal à l'aise. La lecture n'est pas facilitée par le choix d'un style très haché, pour souligner le rythme frénétique du pseudo road-movie. Les phrases sont courtes et claquent d'autant plus que l'action s'accélère, plutôt que d'aider à boucler le livre, j'ai par moment frôlé l'indigestion. Ma conclusion de l'expérience de lecture est qu'il s'agit en fait d'un bouquin "usant".
Si je ne devais faire qu'un seul reproche ça serait celui de l'emploi abusif du personnage de la policière qui revient de façon récurrente sans qu'on en voit l'utilité. Sa prévisible présence devient pénible à la longue.
A noter que si les aspect raciaux sont au second plan dans "Vurt", surement du au fait que ce groupe existe par ou pour la drogue, ce n'est pas le cas dans "Pollen" que j'ai lu juste après et où cet aspect est pleinement exploité. On comprend aisément que le sort de cette société mancunienne ne se règle pas en un unique roman.
Une expérience hallucinatoire impressionnante et éreintante quoiqu'un peu trop dispersée: 8/10
PS: Merci à la Volte pour cet epub d'excellente facture et sans DRM ! Chapeau au traducteur.
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