Moi qui ai si longtemps clamé qu'on n'avait pas encore synthétisé le virus qui me clouerait au lit, voilà que j'ai attrapé le grippe. Une carabinée. J'ai donc passé une semaine hivernale dans un état second, fiévreux et douloureux, à transpirer dans mes draps. En revanche, comme on n'a pas encore synthétisé le virus qui m'empêchera de lire, j'ai dévoré des pages et des pages de livres dont je ne suis pas certain d'avoir tout saisi - au regard de mon état de faible lucidité. Parmi ces livres, un roman de circonstance : Wayward Pines de Blake Crouch.
De circonstance ? Je m'explique.
Ethan Burke, agent fédéral et personnage principal de cette histoire, ouvre les yeux sans pourtant se souvenir d'avoir jamais perdu connaissance. Son arme de service a disparu, son argent et ses papiers également. Il découvre son environnement en même temps que le lecteur qui l'accompagne : une bourgade apparemment figée dans le temps et tirée d'un cliché de la province américaine, avec sa rue principale, son diner, son bureau du sheriff. Blessé et confus, il déambule et constate rapidement que quelque chose cloche. Mais quoi au juste ? Difficile à dire. Cela tient-il à l'attitude des citoyens ou au comportement des autorités ? Au fait qu'il semble impossible de quitter cet endroit ou de contacter le monde extérieur ? Peinant à justifier son identité face à des interlocuteurs sceptiques, il commence à douter lui-même de ses certitudes. Le roman tourne alors à la paranoïa, à la psychose, avant de passer à... autre chose ?
En tant que lecteur grippé, en possession vaguement relative de mes moyens, le front chaud et l'œil brillant, j'ai d'autant plus partagé le désarrois d'Ethan Burke que j'ai moi-même douté d'appartenir au monde réel. Au fil de mon identification au personnage, ce livre est devenu totalement immersif. C'est en ce sens que je le qualifie de roman de circonstance. Il faut dire que, au-delà de mon état de santé, l'auteur y est pour beaucoup. Sa narration est captivante et sa trame, d'une grande efficacité, s'aventure en des terres insoupçonnées. Sans oublier son protagoniste, dont des anecdotes du passé, parfois déconcertantes mais finalement toujours justifiées, viennent à la fois l'épaissir et perturber le lecteur au passage. Pour sûr, ce roman de genre est aussi décomplexé que déconcertant.
Ce volume est le premier d'une trilogie. Mais dans la mesure où les nombreuses questions soulevées trouvent leurs réponses dans de dernières pages très habiles et chargées de rebondissements inattendus, je ne suis pas sûr d'aller voir ce que contiennent les suivants, de peur de voir s'épuiser un filon qui, à mon avis, mériterait de s'interrompre ici. Par ailleurs, je suis guéri. J'ai quitté mon lit, mon état second, je passe à autre chose.
Touchez mon blog, Monseigneur...