Bret Easton Ellis est un auteur hors-normes, atypique, mystérieux et intrigant. Un premier best-seller à 21 ans, quasiment toutes ses œuvres portées à l'écran, un parcours aussi luxuriant que chaotique, des sujets décriés, des projets avortés... À 55 ans, le bonhomme en a vu. En 2019, il délaisse les scénarios, podcasts et autres tweets pour revenir laborieusement — il le dit lui-même dans les premières pages — au 5ème Art et sort un essai, "White", son tout premier livre non-fictionnel.
"Lunar Park" mélangeait fiction et réalité, "White" ne va parler que des ressentis d'Ellis, de ses impressions, ses idées. Ou peut-être nous induit-il encore une fois en erreur ? Lui-même doute de ses souvenirs, de ses anecdotes croustillantes et surréalistes sur le monde du show-biz, sur cette vie tumultueuse où il s'est fait constamment berner par Hollywood, où il a tiré des lignes de coke avec telle ou telle star, où il s'est enfermé dans une bulle auto-dévastatrice pour écrire "American Psycho", où le cinéma actuel et les mouvements de plus en plus violents le dépassent voire le harassent.
Moonlight, #metoo, Donald Trump, Tom Cruise, homosexualité, victimisations, American Gigolo... Autant de sujets aussi variés qu'intéressants, qui ne plairont pas à tout le monde mais qui amèneront pour certains probablement une réflexion. Le style d'Ellis ne change pas d'un iota, l'auteur continuant de ne pas mâcher ses mots sans tomber dans la provocation puérile, préférant balancer parfois en vrac, parfois avec un léger fil conducteur, ses idées sur le tapis. La facilité de lecture toujours aussi impressionnante peut contraster avec des partis-pris extrêmement personnels voire des désillusions quant au romancier. Le risque de l'essai.
Tout aussi passionnant que parfois rebutant, "White" dévoile une facette plus ou moins intime de Bret Easton Ellis, un visage reconnaissable depuis "Lunar Park" masqué avec une certaine retenue par un désir de logorrhée exutoire. Ellis ne cherche pas à plaire, ni à choquer, encore moins à convaincre qui que soit. On se retrouve dans ses lignes comme on peut finir le livre en le pensant réac ou instable mais une chose est sûre, le livre ne laisse aucunement indifférent. Un essai peu surprenant dans sa forme mais captivant pour quiconque s'intéresse de près (c'est fort utile) ou de loin à cet énigmatique écrivain-scénariste qui n'en a finalement pas fini avec la vie.