Qui je suis ou qui suis-je?

Pete Townshend n'est pas Keith Richards. Là où le guitariste des Rolling Stones avait bâti avec Life, sa "presque" autobiographie, un piédestal à son orgueil et son autosatisfaction, celui des Who, lui, livre un récit sincère, honnête et introspectif de sa vie. Peut-être à l'image de ce qu'ont été les deux groupes pour lesquels ils ont joué. Après tout, les Rolling Stones ne sont devenus le plus grand groupe de rock que parce qu'ils se sont attribués ce titre. Les Who ont construit leur légende en mettant en musique leurs frustrations et leurs doutes.

Traumatisme de l'enfance, frustration adolescente, doutes d'adulte... Pete Townshend se met à nu dans un récit cathartique où il ne s'épargne ni la remise en question ni l'auto-flagellation, détruisant l'image fantasmée de la rock star pour faire ressortir celle moins glorieuse de l'être humain. Un être humain déchiré entre son rôle de mari, de père, de rockstar et d'artiste; un être humain partagé entre l'envie de s'abandonner dans la démoniaque trinité du sexe, drogues et rock'n'roll comme de s'en extirper pour sauver sa peau, sa famille et sa santé mentale.

C'est tout cela qui fait l'intérêt de ce livre. Mais aussi sa faiblesse. Car il faut bien l'avouer, le récit tourne assez souvent à l'exercice psychanalytique, avec tout ce qu'il y a de rébarbatif et de déprimant. L'humour n'est guère présent, la flamboyance rock'n'roll encore moins et on douterait presque que celui qui a écrit ces pages, a aussi écrit les plus belles pages du rock'n'roll. On a presque l'impression de lire les confessions d'un ancien alcoolique et amant volage. Néanmoins, de part sa lucidité et son absence de compromission, Townshend livre là une vision moins glamour et plus désenchantée du mythe rock'n'roll. L'envers du décor en quelque sorte...