Henry Wilt n'a pas un quotidien très enviable. C'est uniquement lorsqu'il promène son chien le soir qu'il peut prendre une pause dans sa morne existence. Toutes ses pensées sont tournées sur la rumination et le moyen de se sortir d'un tel merdier.
La seule issue semble être le meurtre de sa femme. Cela peut paraître excessif, mais Eva Wilt l'a bien cherché. Celle-ci est l'incarnation parfaite de ce dont tous les hommes rêvent : une femme au foyer maniaque de la propreté, qui passe son temps à harceler son mari sur tous les sujets possibles et imaginables. Elle-même ne fait pas grand chose de sa vie, mis à part s'inscrire à des activités aussi changeantes que son humeur, passant de la poterie au trampoline puis au judo.
Et le travail, je ne vous en parle pas : Wilt y est tout simplement trop efficace. Coltiné à enseigner la littérature à des ouvriers particulièrement sauvages, il est l'un des rares professeurs à réussir à tenir son poste sans tomber dans des idées suicidaires. Alors le directeur l'y laisse, conscient qu'un tel élément est plutôt rare.
La première idée ingénieuse de Sharpe est de nous offrir la situation initiale la plus inintéressante qui soit. Qui aurait envie de suivre un tel loser ?
Pourtant, c'est quand rien ne se passe que tout peut arriver. Une rencontre avec des voisins qui tourne mal, et c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Wilt décide de mettre ses plans à exécution.
Mais là où sa vie quotidienne était dénuée de surprises, sa tentative pour s'en extraire va furieusement dégénérer, et pas vraiment là où on l'attendait.
Sharpe a minutieusement préparé son coup. Accumulant détail sur détail, l'intrigue s'embarque très vite sur une pente glissante à grande vitesse. J'en dévoile moins possible car l'effet de surprise est particulièrement détonnant dans ce livre. Un détail anodin peut ressurgir avec brio cinquante pages plus loin et se révéler capital pour la suite des évènements. Le génie de Wilt est d'arriver à construire une situation complètement invraisemblable, mais avec une élégance et un art du détail rare.
L'humour du livre est plus fin qu'il n'y paraît. Nombre de répliques font mouche et l'on a du me prendre pour un crétin tandis que j'éclatais de rire dans le train. Le pire étant que je ne pouvais jamais expliquer pourquoi exactement je m'esclaffais : c'était un ensemble de détails judicieusement placés qui finissaient ensuite par exploser une fois mis en contact, laissant alors le lecteur dans l'absurdité la plus totale et la plus réjouissante.
Un livre qui n'a pas volé sa réputation.