Une référence dans le genre
Par la puissance de frappe de ses mots, « Yellow birds » se place en tête des grandes œuvres littéraires traitant de la guerre, comme le fut « Platoon » en son temps pour le cinéma. Et le parallèle entre les deux n’est pas anodin. Mêmes jeunes protagonistes un peu perdus, idéalistes qui vont s’engager un peu par hasard dans un combat de vie et dans une guerre malsaine (ne le sont-elles pas toutes ?) aux miasmes de peurs et de mort. Même thématiques : conscience piétinée, instinct de survie, perte d’une certaine innocence, amitiés circonstancielles, culpabilité…
Mais il serait toutefois dommage de ne limiter « Yellow bidrs » qu’à son seul sujet. Car Kevin Powers, qui signe ici son premier roman (autobiographique) se révèle un auteur brillant et déjà bien accompli. Powers possède un sens de l’écriture inouï. Avec son choix de déstructurer la chronologie de son roman, il appréhende avec justesse toute la complexité des réflexions de son jeune héros, sans jamais aucune perte de rythme ni de ce souffle incandescent de l’horreur qui le traverse. Il utilise un langage cinématographique très imagé qui permet de se plonger sur l’écran blanc de ses pages noires au cœur du drame. Le lecteur est donc ici plus que jamais le témoin privilégié de chaque scène, s’interroge et remet en question ses propres convictions sur la situation vécue. Ce réalisme accru, est accentué par une espèce de bande son « virtuelle » où chaque bruit, chaque sifflement de bombe vient ponctuer l’action. Et comment ne pas évoquer les descriptions (de lieux, des humains, de la nature…) ? Elles vous touchent et irradient l’œuvre, lui donnant tout son sens et son équilibre. Mais bien plus qu’une prouesse technique, « Yellow birds » est avant tout un très grand et sombre roman qui fera date. Un chef d’œuvre qui distille l’émotion dans ce qu’elle a de plus pur et de plus captivant.