"la guerre essaya de nous tuer au printemps"
« Rien ne vous exclut plus que d’avoir une histoire singulière. Du moins, c’est ce que je croyais. A présent, je sais : toutes les douleurs sont identiques. Seules changent les circonstances. »
L’histoire : Bartle a 21 ans et Murph 18 quand ils partent pour l’Irak. Avant de partir, Bartle a promis à la mère de son camarade de le ramener sain et sauf. Promesse qu’il ne pourra malheureusement pas tenir…
Construite sur la base de flashback, l’histoire nous plonge à la fois au cœur de la guerre sur le territoire irakien, et dans les méandres de l’après-guerre, une fois revenu sur la terre américaine. L’amitié qui lie les deux jeunes hommes est touchante, mais le drame est sans cesse latent: le lecteur sait d’emblée que Murph est destiné à mourir. Mais l’auteur manie habilement la plume pour nous dévoiler les circonstances de sa mort qu’à la toute fin…
Le quotidien du conflit, l’horreur de la guerre, sont étonnamment décrits avec simplicité et réalisme, sans dramatisation aucune. Les scènes sont narrées avec une sorte de détachement comme si Bartle n’assistait qu’en tant que spectateur aux combats. Les scènes morbides, les cadavres, les mortiers, les atrocités des combats et du quotidien des soldats sont présentés avec une distance calculée, de telle sorte que le lecteur perçoit la banalité du mal, son absurdité.
Au contraire, les scènes de l’après-guerre, le retour à la normalité sont poignantes. Le narrateur se livre cette fois tout entier, en exprimant admirablement le mal-être du vétéran, la difficulté du retour, la honte. Peut-il exister une vie normale après une telle expérience ? S’ajoute à cette souffrance un lourd secret et le poids de la culpabilité.
L’écriture, poétique, est déroutante et le lecteur lui-même en arrive à être désorienté. On balance entre la beauté de la plume et l’horreur de ce qu’elle décrit. Le fait de savoir que Kevin Powers a bel et bien vécu le conflit ne fait que rajouter du poids à ses descriptions. Yellow Birds est une histoire tragique, associant des concepts opposés : l’amitié, la haine ; le désespoir, la beauté et l’horreur, l’absurdité et le réalisme.
En somme, un premier roman magnifique, touchant et déroutant par sa sobriété, dont on ne ressort pas indemne.