Car oui, ce roman là est un résumé des nuits sans sagesse des carabins.
Ces soirées méconnues, ou plutôt mal connues. Ou la mesure de sa jeunesse sacrifiée et la liberté éphémère offerte rendent les acteurs impertinents dans le phrasé mais pertinents dans le propos.
Ici et là, mêmes décors. En quelques heures on retrouve un homme en tutu qui s'élance sans complexe, la grenadine infâme qui ne séjourne que très transitoirement dans les verres, celui qui a cassé son lacet, le classique perroquet sur l'épaule de celui qui, avec zèle et selon la coutume , n'aura pas suivi le thème de la soirée "sous l'océan".
Et ceux qui s'écroulent sur le pavé.
Et cette équipe de non initiés qui suivent le mouvement avec intérêt, subjugués devant ces fiers soldats de la nuit dont l'éclat de la salopette ou de la blouse maculée fait d'eux le guide qu'ils veulent avec obstination pour découvrir le tréfonds des caves parisiennes.
Et abstraction faite de la musique, qui n'est d'ailleurs jamais une priorité dans ces soirées, le fond sonore est le même. Les anaphores, de ceux qui, à cette heure là, ne pratiquent plus que le comique de répétition, sont rehaussées par du vocabulaire propre aux paillardes et se mêlent sans transition aux mots tarabiscotés nécessaires aux élucubrations de ceux qui profitent de cette cérémonie traditionnelle pour remettre sur le tapis les tout autant traditionnels débats, Modernes vs Anciens, les motivations d'Antigone, les définitions de l'Âme...
Et au petit matin ce grand groupe, qui n'a rien d'une masse, ce groupe unit comme une famille se disloque par le métro et par la rue. Et, que ce proche là, ne soit plus, demain, qu'une vague connaissance n'a rien qui appelle la nostalgie. Non ça jamais. D'ailleurs comment est ce que ça c'est fini? Le retour à domicile ne figure ni dans l'historique de navigation ni dans notre mémoire... Mais qu'importe, c'était une sacrée soirée!