Ce nouveau roman de Bérengère Cournut était assez attendu, au moins par celles et ceux qui avaient lu son précédent (De pierre et d’os, 2019) et apprécié son originalité. Autant dire que la jeune femme surprend tout en pouvant également laisser perplexe, car elle se contente cette fois d’une histoire familiale. Mais ce n’est pas si simple…


Il s’agit donc de l’histoire d’une famille habitant dans une maison à la campagne, au village de Laguerre. Zizi Cabane s’avère être le surnom utilisé pour la petite dernière (Ambre-Iseline), un surnom qui se justifie très simplement par une expression enfantine d’un de ses frères. Le père (Urbain) se fait appeler Ferment (à prendre comme un prénom), le frère aîné de Zizi est Martin-Béguin (Martin pour l’état civil, Béguin pour la famille) et son cadet s’appelle simplement Chiffon (sans autre prénom, inutile). Le seul prénom vraiment utilisé est celui de la mère : Odile. Il s’avère cependant que l’intrigue ne démarre pour de bon qu’avec sa disparition. Le mot disparition correspond parfaitement, car rien n’indique qu’elle soit morte. Simplement, une nuit elle disparaît sans laisser de trace. Ceci dit, nous, lecteurs, comprenons assez rapidement qu’elle n’est pas morte, du moins au sens où nous l’entendons en principe. Ce qu’elle est devenue (et surtout comment et pourquoi) est trop difficile à expliquer pour tenter la moindre approche. D’ailleurs, le texte entretient un certain flou sur son état, bien qu’il s’arrange pour lui donner la parole après sa disparition. Et puisque son état reste flou, la parole d’Odile (destinée aux lecteurs et non à sa famille) se présente sous forme poétique, mais une poésie sans règles trop précises, ce qui me paraît une bonne idée pour retranscrire l’état d’Odile (la poésie se ressent avant de s’expliquer). On peut juste dire qu’elle voit toujours sa famille même si eux ne peuvent pas la voir ni même observer le moindre signe révélateur de sa présence. Il faut dire qu’elle est constamment en mouvement et que si son esprit reste attaché à la famille, son action semble quelque peu lui échapper.


Doute et mystère


L’action progresse par chapitres où divers personnages prennent la parole à tour de rôle, la mieux représentée étant Zizi Cabane, ce qui justifie le titre du roman. À noter qu’il faut être attentif pour identifier chaque intervenant, surtout qu’autour de la famille gravitent oncles et tantes, un grand-père qui n’est peut-être qu’une sorte d’usurpateur bienveillant, des voisins, etc. Le roman montre comment tout ce petit monde évolue au fil des années. Les enfants grandissent et les adultes changent, chacun.e avec ses obsessions.


Et puis, dans la maison, un phénomène étonnant apparaît, avec de l’eau qui commence à s’infiltrer à partir d’un mur sans qu’on parvienne à comprendre d’où elle vient exactement. D’une sorte de fuite, ce filet va progressivement enfler jusqu’à devenir un sorte de ruisseau dont le passage s’avère impossible à maîtriser.


Cheminement du deuil


Chacun.e supporte donc l’absence de la mère selon son caractère. Ce roman qui affiche une certaine simplicité dans son style et dans sa trame générale s’avère finalement assez subtil. Bérengère Cournut ne déçoit donc pas. Son roman devient assez prenant et plus original qu’on pourrait penser en l’abordant. S’il tient du conte et qu’il est centré sur une famille, ne surtout pas le classer en littérature jeunesse. Parmi les points essentiels, on remarque que l’eau y prend une place conséquente et fondamentale, ce qui ne doit rien au hasard, puisqu’elle est symbole de vie. Elle peut rester stagnante (mare, flaque, lac, etc.) à l’image de ces vies réglées comme du papier à musique. Mais ici, à part Ferment qui vit dans le souvenir d’Odile, toutes et tous évoluent et bougent régulièrement. Mieux, l’un des frères de Zizi choisira une activité professionnelle très en rapport avec l’eau. L’eau peut être rapprochée du liquide amniotique associé à la gestation (de vie future, donc de projets). On peut aussi considérer que toute naissance amène son lot de surprises. D’autre part, l’eau peut être associée aux mouvements et elle se révèle insaisissable. Et puis, elle peut apporter son lot de tracas (fuites, inondations) et même se révéler dangereuse voire apporter la mort (noyade). On ne s’étonnera donc pas de certaines péripéties ni du danger que court Zizi, beaucoup plus liée à sa mère que ce qu’elle imagine (elle n’avait que 3 ans à sa disparition). À vrai dire, le roman nous fait également sentir comment chacun des membres de la famille reste lié à Odile, malgré sa disparition. On constate que, d’une certaine manière, elle vit toujours en chacun de ceux qui l’ont connue et aimée. Une certaine sérénité reste possible pour toutes et pour tous, y compris Ferment, une fois la disparition d’Odile acceptée et assimilée, forme de deuil.


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le 11 déc. 2022

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