J’ai éteint la radio, la musique, fermé les fenêtres pour me laisser porter par le rythme du texte de Mathias Énard. J’ai lu à voix haute des passages de « Zone » à tous ceux qui passaient près de moi ou qui m’appelaient, pour partager ma délectation du texte et de son rythme.
J’ai toujours aimé le rythme du train, lieu idéal de lecture. Il y a 25 ans, j’avais – coquetterie de l’époque – lu « La modification » dans un train qui m’emmenait de Paris à Rome. La coquetterie avait été vite oubliée et le glissement de l’écriture et de la pensée m’avait emportée le long des rails.
Le même génie pour écrire le mouvement de la pensée chez Mathias Énard, mais ici le voyage est tout autre :
Un voyage halluciné, qui se déverse comme le sang coule d’une veine tranchée, un voyage dans le temps et l’espace, dans la réalité et le roman, dans la réalité et la mythologie.
Le narrateur qui se refugie dans le roman pour échapper à ses pensées et y retrouve en miroir ce à quoi il cherche à échapper. Les hasards de la vie et de l’histoire, comme le hasard qui a incité ce libraire des Abbesses à vendre ce roman libanais au héros du livre.
L’hérédité inéluctable de la violence et de la guerre.
Un très grand livre.
Merci.