Zoo City
6.8
Zoo City

livre de Lauren Beukes ()

Écrivain sud-africaine, Lauren Beukes livre avec Zoo City un polar urbain dans un



univers de science-fiction ultra-réaliste,



et fait voyager le lecteur dans un Johannesburg fantasmé, plein des mystères et des légendes d’une bonne partie de l’Afrique. C’est à la fois dépaysant – le lecteur occidental voyage géographiquement et mentalement – et passionnant – l’intrigue, bien que classique, développe un suspense dont on cherche absolument à connaître l’issue.


Zinzi December, comme de nombreux criminels, est affublée d’un animal dont elle doit s’occuper au risque de mourir si elle le délaisse. Ancienne journaliste, elle a été impliquée dans le meurtre de son frère jumeau, et c’est un paresseux qui est venu la trouver. Dotée d’un don de vision qui lui permet de retrouver des objets perdus, elle est engagée par un ponte de l’industrie musicale pour retrouver une jeune chanteuse populaire, et se retrouve bientôt embarquée dans une enquête qui la dépasse, au cœur d’une manipulation floue dont elle a du mal à identifier les protagonistes et les marionnettistes.



Il y a de la ségrégation dans l’air,



dans chaque chapitre, mais elle n’est pas nécessairement raciale. D’ailleurs, l’auteur ne se sent pas obligée de donner une couleur de peau à chacun des personnages, et le lecteur y colle un peu ses propres projections. Non, la ségrégation qui transparait est sociale : entre les « animalés », forcément criminels à divers degrés, et les autres, entre les riches, qui se payent la loi et la sécurité, et les pauvres, qui tentent de survivre au quotidien, entre ceux qui ont accès à certains quartiers de la ville et ceux qui ne l’ont pas. Et tout ça nous raconte



une société contemporaine occidentale que l’Afrique du Sud rejoint malgré la fin de l’apartheid.



Tout ça nous raconte combien les inégalités sont, et seront toujours, l’apanage des humains, car les animaux, s’ils en souffrent, ne les pratiquent pas de la même manière. Le bestiaire qui peuple l’univers de Zoo City, riche, rappelle chaque instant les lois de la survie dans la jungle, et font intelligemment écho.
Le surnaturel qui habite l’univers du livre, à aucun moment, n’en a l’air, et tout semble normal, acquis comme un quotidien classique. Le don de l’héroïne, les comportements d’autres « animalés », tout s’intègre dans le réel sans que le lecteur souffle d’inconfort ou ne souffre d’invraisemblance. Tout est bien amené, tout dans



un équilibre fragile mais sûr.



C’est merveilleusement bien écrit en ce sens que les personnages parlent, et que les mots disent ce qu’ils sont, ce qu’ils espèrent, ce qu’ils attendent, et à quoi ils jouent. Le style est précis, les dialogues agrémentés d’argot sud-africain, et les personnages ont du corps : Lauren Beukes titille l’imaginaire de ses lecteurs, et les images naissent facilement à la lecture de ses mots.


Sans être un chef-d’œuvre, Zoo City est un roman passionnant qui me permet de découvrir une auteure douée, et me donne l’envie d’aller lire ses autres romans. Ainsi, à tous les lecteurs qui apprécient la science-fiction, à tous les curieux d’une Afrique contemporaine, et à ceux qui cherchent à comprendre le monde, je conseille ce roman : on s’attache facilement aux personnages, et malgré quelques apartés qui laissent un peu d’irrésolu dans l’histoire, on découvre avec ferveur un Jo’burg qu’on souhaiterait pouvoir explorer, tout en ne négligeant à aucun moment le réel de nos villes, et de nos propres sociétés discriminantes, où la survie est un combat quotidien pour la majorité des innocents dans



une jungle habitée par divers carnivores et charognards.


Matthieu_Marsan-Bach
8

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Créée

le 30 août 2015

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