Sans l’avoir jamais rencontré, Harry Belafonte était mon ami. Né à Harlem en 1927, cet acteur, chanteur et militant des droits civiques est mort cette année, le 25 avril 2023. J’ai beaucoup écouté ses chansons. L’une d’elle m’intriguait : « Mèsi Bondyé, gadé tou sa lanati poté pou nou ». Je devinais qu’il s’exprimait dans un patois d’origine française, mais son sens m’échappait. Comme disait, jadis, mon fils : « Papa, faut chercher sur Internet ! » J’ai effectivement trouvé la réponse sur un site haïtien. La chanson est courte, trois petits couplets et un refrain.


« Mèsi Bondyé, gadé tou sa lanati poté pou nou

Mesi Bondyé, gadé kouman lamizè fini pou nou

Lapli tonbé, mayi pousé

Tou timoun ki grangou p'ralé manjé

Annou dansé mambo, annou dansé Pétro

Papa Bondyé ki nan syèl, lamizè fini pou nou

Mizè ya fini pou nou (ter)

Mizè nou fini

Mèsi Bondyé, Mèsi Bondyé »


Écrite par le guitariste haïtien Frantz Casseus, la chanson est enregistrée par Harry en 1956. Je vous propose une traduction empruntée, pour l’essentiel, à Alfred Largange.


« Merci Mon Dieu pour tout ce que la nature nous a apporté [litt : regardez ce que la nature nous a apporté]

Merci Mon Dieu, notre misère est finie [litt : regardez comment la misère est finie pour nous]

La pluie est tombée, le maïs a poussé

Les enfants affamés pourront manger [Grangou : du vieux français "J'ai grand goût"]

Dansons le mambo, dansons le Pétro [le premier est un rythme d'origine latine, le second est souvent associé au vaudou]

Papa Bon dieu qui est dans le ciel, la misère est finie pour nous. »


Comment ai-je pu passer à côté d’une telle leçon ? Harry est né à New-York, mais ses parents étaient d’origine jamaïcaine. Ils avaient connu la misère, l’attente de la pluie, la peur de manquer. La pluie abondante est promesse de récoltes, les enfants pourront jouer, après avoir mangé. La pluie et les récoltes sont des dons du Bondyé, quel que soit la forme que nous lui prêtons. Nous avons oublié cette vérité intemporelle. Pourtant, nous sommes tous des descendants, que ce soit à la 3e, 5e ou 10e génération, de petits paysans qui scrutaient le ciel, inquiets, pour y déceler le retour de la pluie. Seulement, nous avons oublié. Pas Harry.


« Mizè ya fini pou nou, Mèsi Bondyé »


SBoisse
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le 17 déc. 2023

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Step de Boisse

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