Agony is your triumph

Il y a comme une douce mélancolie qui exhale de ce titre...

Une sentence, incitant à vivre malgré tout, à dépasser la mort. Cette mort qui vient de manière injuste, mais qu'il faut regarder froidement, qu'il faut ignorer. Il y a comme une gaieté, un apaisement qui vient dans la fin de chaque refrain. "And aaagony, is your triumph." Boum. Le mal est fait, la justice a parlé. Insupportable. Mais pourtant, comme toute victime de persécution, on fait bien plus de mal au bourreau en s'enorgueillissant de ses accusations qu'en pleurant. Il ne faut pas pleurer, il ne faut pas se morfondre de cette décision. Oui, Sacco et Vanzetti mourront, parce qu'ils ont tué, ou parce qu'ils sont anarchistes. De toutes manières, personne ne le sait. Mais en mourant, ils agiront.

Cette chanson se veut un hommage à une mémoire : la mémoire des combattants de la parole. Et pour ceux qu'on a voulu faire taire, Joan Baez reste concise. La seule phrase engagée de son couplet est celle que j'ai déjà citée. Les autres ne sont que des hommages : "Here's to you, Nicolas and Bart". Nous vous rendons grâce, amis. C'est un chant de remerciement, et non une complainte. Nous posons notre regard bienveillant sur vous, qui avez contribué à construire notre démocratie, en mourant pour vos idées. Ce texte se veut un hymne : il n'y a pas de violence, vous n'en avez été que trop tributaire. Il n'y a pas de désespoir : vous l'avez enterré. Il n'y a pas de détresse : vous le disiez vous-mêmes.

En effet, les paroles viendraient de ce qu'un journaliste new-yorkais aurait attribué à Bart Vanzetti himself : "the last moment is ours, agony is our triumph". Et Joan Baez de les inciter. Dans ces années 1970 où on combat l'autoritarisme, où on rêve de liberté, la culture folk se cherche des figures de proue. Che Guevara, et désormais Sacco et Vanzetti. Cruelle mémoire, qui décide de ressortir des héros du passé sous prétexte qu'ils sont propices à un discours politique. Mais si elle permet de faire des musiques aussi belles que celle de 'Here's to you', cette mémoire est fabuleuse. Elle revient, incessamment. Elle se répète, comme une incitation à ne pas oublier, à ancrer cet épisode dans les esprits.

Here's to you Nicolas and Bart
Rest forever here in our hearts
The last and final moment is yours
And agony is your triumph