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Cordes pincées en accord mineur – résonance cristalline entre les coupes claires où miroitent les grappes mûres d'un raison rance – dithyrambiques contrées sonores. Une voix rocailleuse vient poser sa touche à la nature morte peinte d'une main dionysiaque sur laquelle s'ébrouent figures mythologiques, mythiques farandoles.
Drapeau flottant couronnant le musée d'une vie côtoyant la légende, d'un corps destiné à devenir statue, d'une voix offerte à l'éternité fébrile. Pourtant sur le palier, la porte reste close – seul le Seigneur détient les clés.
Car dans cette chambre surchargée flamboyante baroque trône le calice de l'ultime breuvage qui lentement s'écoule et coule sur cette main fragile vieillissante qui soulève le couvercle du clavier – piano expression d'indicible.
Touche martelée – fulgurante ascension
Touche martelée – intensité en érection
Touche martelée – apothéose approchante...
Mais la transe s'achève sur le nylon flottant d'une corde de la. Le train de la vie déroule en noir et blanc les souvenirs perdus par imprudence, oubliés par volonté. Ballet de silhouettes au coucher d'un soleil redoutable – celui du passé – celui du regret, celui du remord. Bande cinématographique d'une vie légendaire vidée de sens par un succès que l'homme a su brisé dans une réciprocité féroce.
Ce soir la lumière couchante envahit la pièce et joue fuyante avec les couverts argentés de la cène. Elle illumine par sa clarté les langoustes et poissons, le caviar et champagne d'un dernier repas que le souvenir d'un lieu hanté vient transfigurer d'un regard en arrière au travers d'une vitre poussiéreuse et opaque.
Car le couple destiné n'a connu sa gloire que dans l'apaisement de la vieillesse – jeunes années remplies d'amour haineux par un orgueil démesuré. Il irradie la scène de par sa sereine attente du dernier jugement qui ne sera ni celui des critiques ni celui du public.
Touche martelée – en eux souvenir balayé par les vagues de l'oubli
Touche martelée – souvenir noyé par le vin jaillissant de la cicatrice
du corps meurtri sur la croix, du corps toute en splendeur qui se dresse vers le ciel béant
Touche martelée – souvenir rougeoyant qu'aucune larme ne saurait diluer.
Apothéose.
La nuit tombe, l'homme en noir disparaît dans un dernier sourire en coin. Sa main frôle les touches d'ébène – icônes d'une vie en blanc et noir couverte du voile de la gloire.
Le couvercle tombe sur le clavier immaculé.