La pluie, c'est tout sauf romantique.
Ça coule, ça dégouline, ça dégueule depuis le haut de ta caboche jusqu'au dernier de tes orteils, ça mouille, c'est froid, et puis ça te tombe sur la gueule sans prévenir, sans que tu puisses rien y faire une fois que le bon Dieu a décidé que c'était parti.
Alors il va falloir qu'on arrête un instant de nous faire croire que c'est beau la pluie. Que c'est poétique. Mélancolique.
La vérité, c'est que ça file des rhumes, les cheveux qui collent sur les tempes, aplatis par des litres de flotte qui tombent en flots ininterrompus, la vérité c'est que ça ruine ton froc, celui que t'aimais bien, que t'avais mis parce que tu te disais que ça plairait à celle que t'as attendu, des heures durant, justement, sous cette putain de pluie.
La pluie ça rend moche. La ville et les gens.
Tout est gris, tout suinte, ruisselle, des immeubles aux poubelles, du guidon à la selle qui va te filer un sacré frisson quand t'auras le malheur de vouloir y poser ton cul, tout content que tu te voyais de pouvoir rentrer chez toi en vitesse.
Les gens aussi sont gris. Ils sont tristes, regardent par terre, y'en a même qui profitent de l'occasion pour noyer quelques larmes dans le flot issu des cieux qui coule le long de leur pif, seuls qu'ils sont sur leur vélo trempé qui fend le déluge.
Y'en a même qui frisent. Pour te dire l'horreur.
Alors tu vois, la pluie c'est une vraie saloperie.
J'y crois plus à ces films qui brandissent les réconciliations humides comme des instants d'éternité.
J'y crois plus non plus à Catherine Laborde qui parle d'averses, d'intempéries, de perturbations.
Faut appeler un chat un chat, la pluie, c'est une vraie saloperie.
Et on me fera pas croire au hasard. Il pleut pas par hasard, tout ça c'est calculé. Prémédité.
Y'a un type, quelque part là-haut, dans les nuages sans doute, qui nous regarde et qui décide quand il va nous en mettre plein la gueule.
Celui-là, si je l'attrape, je te jure.
Qu'il arrose des innocents, des petits vieux, des jeunes cons, passe encore, mais il pourrait foutre la paix aux malheureux qui attendent seuls sur un banc. Depuis des heures. Au lieu de leur vider tout ce qu'il a en réserve sur le coin de la tronche, il pourrait faire montre d'un peu de compassion. Fumier.
Tu l'auras compris, j'aime pas la pluie.
Heureusement, je suis pas le premier. Ça fait des siècles que tout le monde en a marre. Et dans mes prédécesseurs, y'en a un qui a trouvé la parade. Un génie fait homme. Un morceau de toile tendu sur un piquet, un abri portatif, pour dévier les gouttes maudites.
Rien d'idéal, rien de définitif bien sûr, mais un abri. Et rien ne t'empêche d'y dessiner un soleil, sous ton parapluie, histoire de te remonter le moral si tu décides de lever les yeux.
En attendant de mettre la main sur le responsable, on se protège comme on peut.
Je déteste toujours autant la pluie, mais maintenant je lui ris à la gueule, bien au sec.
Malheureusement, faute de démocratisation du génie, on croise encore des malheureux livrés à eux-mêmes face au déluge. Alors moi, encore marqué par mes années démunies sous l'orage, je vole à leur secours. Je leur partage un coin de sécheresse, un morceau du soleil dessiné sur la toile de mon pépin.
L'autre jour, j'ai secouru une jeune femme comme ça.
Je me suis dit qu'elle devait sans doute connaître le gars là-haut qui gère le crachin parce qu'elle avait un côté céleste aussi. Sans doute une voisine à lui.
Et puis contrairement à la masse ordinaire, elle était aussi belle sous la pluie que les gens normaux au sec. Peut-être plus.
Pendant quelques minutes, je l'ai abritée. Un petit coin de parapluie, contre un coin de paradis.
Quelques minutes seulement. Puis elle a disparu derrière une cascade de gouttelettes en laissant derrière elle un soleil qui brillait vraiment.
J'espère qu'il va pleuvoir demain.
https://www.youtube.com/watch?v=STHFC3slPRk