Mon disque de l’idole (version de 1964)

Amis lecteurs, à la vue de mon grand âge, je sens que vous brûlez de m’interroger sur mes souvenirs personnels de Johnny. À ma grande honte, je ne l’ai ni rencontré, ni croisé. Tout au plus ai-je entraperçu, à Garches, devant la Poste, le Hummer de notre idole conduit par celle que j’ai pensé être son épouse. Jamais je n’avais été aussi près du grand homme.

Une de ses chansons, Le pénitencier, m’a accompagné des années durant. Daté de 1964, le disque avait appartenu à papa. Johnny y est juvénile et porte l’uniforme. Savez-vous seulement ce qu’est un 33 tours ? Pouvez-vous concevoir un temps sans Internet, YouTube et DVD ? Un temps où la musique était rare et précieuse, car dépendante de supports fragiles. Qui se souvient du geste gracile qui accompagne l’extraction de la galette de vinyle noir hors de sa pochette ? Puis, vient le dépoussiérage et la dépose sur l’électrophone. Un regard sur le diamant et vous lancez la machine, à 33 tours la minute. Enfin, du bout de l’index, vous déposez délicatement la pointe de lecture, les baffes crachotent... C’est prêt. Écoutez.
https://www.youtube.com/watch?v=J4YVImCvH0E

Le pénitencier est l’adaptation, par Hugues Aufray et Vline Buggy, d’un immense succès folk : The House of rising sun. Dans la version originale, le héros s’est perdu dans les maisons closes... Pas Johnny.

Non Johnny ne va pas aux putes !
Johnny chante pour un tôlard.
Johnny joue un tôlard.
Johnny est un tôlard... moi aussi.
Johnny est un blouson noir, un mauvais garçon,
Pris la main dans le sac, le juge l’a puni.
Johnny ira en prison.
« Les portes du pénitencier,
Bientôt vont se fermer.
Et c'est là que je finirai ma vie »
Johnny, tu pleures !

Non Johnny ne pleure pas !
Johnny pleure sur la douleur de sa mère.
Et chante, afin de rendre son sort moins amer :
« O mères, écoutez-moi
Ne laissez jamais vos garçons
Seuls la nuit traîner dans les rues
Ils iront tout droit en prison »
Douce illusion, car, de mémoire d’homme,
Nul ne vit un gamin touché par le sort d’anciens.
La vie est ainsi faite.

Non Johnny n’ira pas en prison !
Johnny est éternel.
Ou presque.