Tu vois, moi j'ai pas choisi d'être con.
C'est un peu l'inconvénient de pas choisir sa naissance. Ses chromosomes surtout. Une espèce de contrecoup de l'évolution, qu'on avait sans doute pas vu venir tant qu'on crevait tous à 23 piges et qu'on parlait avec ses poings et des petits cris simiesques. Et puis petit à petit, on s'est rendu compte de l'arnaque. A mesure qu'on a commencé à jacter, on a bien vu que pour certains y'avait un truc qui clochait. Des types qui se servaient moins bien du tas de gras électrisé dans leur caboche. D'autres qui visiblement avaient assez de place là-haut pour ranger quelques meubles et accueillir un locataire. Mais c'était trop tard, la tare était installée. Transmise.
Résultat, maintenant ça tombe sur des gamins qu'ont rien demandé, et voilà. Irréversible, la malédiction.
Le premier symptôme, je crois, c'est de penser que c'est les autres les cons.
On a tous commencé comme des jeunes cons, et je te dis on parce qu'on va pas se mentir, je suis irrémédiablement ancré dans le troupeau. On a tous commencé, je disais, en se disant que c'est les vieux les spécimens altérés. Les acariâtres, les aigris, les crâmés, les décalés, tous les vieux croulants qui réfléchissent comme au siècle dernier. Nous, on nous la fait pas !
Le problème c'est que pas un symptôme lié à l'âge. Je m'en suis aperçu en me faisant traiter de petit con par des ancêtres rougeauds carburant aux petits jaunes.
Alors moi, en bon con naïf, je me questionne.
Parce que tu vois, ça fait des années que je me pratique, et je commence à me connaître. Mais voilà que j'apprends que la connerie c'est individuel. Y'en a autant de types que de cons !
Moi, je me considère comme un amateur. Un débutant, un joueur de CFA. Y'en a par contre qui semblent en avoir fait leur métier. Quand je les vois, je me sens tout petit, tout contrit. Comme si à mon petit niveau, je faisais honte à la profession.
A moins que ce soit juste une question de pratique ?
En tout cas, ça semble foutrement irréversible.
Je le sens bien que ça s'arrange pas avec l'âge. L'écho qui résonne là-haut, les gens qui me demandent si on m'a pas bercé un peu près du mur quand j'étais gamin (pour information, si, mais j'avais 12 ans et je présentais déjà les symptômes), tout ça ça reste, peu importe que je glisse du jeune con au vieux con, je trouve toujours plus con que moi.
Le problème, c'est que le con, c'est pas le gars le plus finaud en termes de jugement. Du coup, qu'est-ce qui me dit que c'est pas moi le seul con de l'univers ?
Je doute, donc je pense, donc j'ai mal à la tête. C'est pas fait pour moi, toutes ces conneries.
Et puis, quand j'écoute Tonton Georges chanter, bizarrement, j'me sens un peu moins con, et un peu moins seul.
Tant pis, quitte à être con, je serai un con heureux.
https://www.youtube.com/watch?v=ztKfOmUhSY8