Let Down
7.9
Let Down

Morceau de Radiohead (1997)

Ces derniers temps avec Radiohead c'est toujours la même chose : j'écoute une chanson ou un album en me demandant si je la surestime pas un peu par nostalgie et à chaque fois Thom me remet à ma place. Quand on me dit que Let down serait la meilleure chanson d'OK Computer, je l'ai réécoutée par bonne volonté et aussi parce que ça fait longtemps, mais au final j'ai bien failli le croire (jusqu'à ce que je réécoute les autres).


Le cœur émotionnel de l'album ça je veux bien. Car pour le coup Thom en met du cœur, enregistrant un craquage émotionnel avec une absence de (re)tenue à la fois frappante et touchante, cueillant l'auditeur en douceur après la dramatique et glaciale Exit Music. On retrouve un Thom perdu, aliéné, en perte de contrôle jusque dans ses déplacements régis par les transport en commun, totalement déprimé et en même temps un peu honteux de céder à la tristesse, si banalisée et dévaluée dans la société décrite.


Pas question donc d'accoucher d'une ballade rock lancinante classique coincée entre deux tubes pour le moment émotion. Pas de mélodie de piano à la Karma Police/de carillon à la No Surprises. Même pas d'air vraiment accrocheur, tout se retrouve au service de l'émotion. Première chose qui saute aux oreilles : la texture est vraiment sublime. Deux guitares électriques et un clavier entremêlent leurs arpèges de gammes différentes pour l'équivalent musical de la lueur d'espoir ; la guitare acoustique, la basse et les percussions terminent de brosser cette ambiance colorée et planante qui réchauffe le coeur. Mais l'élément le plus bluffant de cet enregistrement est sûrement la voix de Thom, rarement une voix plaintive n'a été aussi belle et gracieuse, à même d'exprimer aussi viscéralement la lassitude, la douleur puis l'espoir - surtout qu'il s'agit de la même mélodie.


Alors oui conceptuellement, c'est quand même la plus simple et rentre-dedans des compositions de l'album (avec No surprises), celle qui rappelle le plus la relative simplicité de The Bends. Sûrement pour ça qu'elle est un peu boudée, notamment ici avec ses 7,8 de moyenne. Le refrain est un peu anticlimatique ; joli, il relâche la pression, mais il laisse aussi un peu sur sa faim. Et pourtant ça repart de plus belle, ça devient plus poignant (avec une ligne assez fantastique vu le contexte qui résume l'idée de la honte d'afficher ses sentiments : « Don't get sentimental, it always ends up drivel. »). Il ne se laisse pas enterrer le petit Thom ; pile quand on pourrait penser qu'il allait tourner en rond, s'écraser par excès de misérabilisme, c'est l'heure de la sublimation.
A suivre deux minutes parmi les plus belles et précieuses de l'histoire du rock, démarrant par un joli break instrumental comme si le narrateur puisait de l'énergie dans le paysage urbain qui l'entoure. 3' 02'', la basse déraille joyeusement. 3'08'' la guitare se tape un fou rire avec un ballon d'hélium. Une sensibilité dans les détails qui a toujours été leur marque de fabrique. Tout comme ces compositions qui gonflent, qui s'élèvent. 4e minute : Thom rentre en harmonie avec lui même, superpose falsetto divin et chant viscéral, emporte tout sur son passage. « One day, I am gonna grow wings » s'époumone-t-il, moins pour lui à ce moment là que pour tous ceux qui partageaient sa fatigue quelques minutes plus tôt.


Peut être dans le top 5 de l'album.
Ça se discute !

Zephir
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Top 20 Radiohead

Créée

le 13 mars 2014

Critique lue 933 fois

8 j'aime

Zephir

Écrit par

Critique lue 933 fois

8

Du même critique

Funeral
Zephir
9

Où l'on enterre la retenue

Il me semble important de replacer Funeral dans son contexte. Au début des années 2000 le rock n'est pas vraiment à l'honneur, si bien que certains vont même jusqu'à déclarer sa mort. La britpop est...

le 2 avr. 2012

46 j'aime

17

Candide ou l'Optimisme
Zephir
6

Que retiendrez vous de ce livre ?

Personnellement, pas grand chose, car le livre repose essentiellement sur le style de Voltaire et l'ironie avec laquelle il critique la guerre, le fanatisme religieux, l'esclavage... L'excessive...

le 5 nov. 2011

38 j'aime

1

Reflektor
Zephir
8

" Is it a dream, is it a lie ? I think I'll let you decide. "

(A album obèse, critique obèse, désolé.) Au-delà de l'aspect musical et d'un catalogue très solide il y a une caractéristique chez Arcade Fire qui les a toujours placé parmi mes groupes essentiels :...

le 26 oct. 2013

27 j'aime

2