Je mets cette chanson juste après celle de Jacky, parce que pour moi elle s'y rapporte, si ce n'est sur la forme, sur le fond . Il s'agit de ce mépris de soi-même que l'on soigne, dans la chanson de Jacky, par l'autodérision et par une fougue accrue, et que l'on noie ici dans tous ses verres que l'on avale, un par un, pour oublier qu 'il fait "mal d'être (soi )".
Difficile de ne pas avoir de frissons sur cette chanson. Jacques nous sort la voix de ses entrailles pour mieux nous atteindre. Comme d'habitude, il joue son texte en le chantant.
"Amis, rempli mon verre,
Encore un et je va,
Encore un et je vais,
Non! Je ne pleure pas!
Je chante et je suis gai!
Mais j'ai mal d'être moi!"
Le texte attaque, une fois n'est pas coutume, par le refrain, qui sonne comme un réel appel à l'aide, dont on ne discerne pas encore la cause.
Montant ses chansons comme de très courtes nouvelles, Brel est un habitué du procédé. Il contextualise en quelques lignes son personnage, et le définit : il est dans un bar, désespéré, et saoul.
L'ivrogne boit de plus en plus et comme tous les ivrognes nie son ivresse et ses causes, porte des toasts à ses amertumes et ses espoirs assassinés.
Les amis s'en vont, le laissent seul, tout comme les femmes qui le rejettent, mais celle qui l'a amenée ici ce soir, c'est cette "putain" qui lui a tordu le cœur, celle qu'il fait qu'il ne veut être que vapeurs d'alcool et oublier que tout ce que lui se reproche il imagine qu'on le lui reproche.
"Mais j'ai mal d'être moi."
Toujours venu du fond de son cœur , sa voix me laisse sans voix.
Si vous n'êtes pas ému en l'écoutant, il faudra m'expliquer.