Laisse passer le camion poubelle, fais-lui coucou

Suis-je un loser ? La question est un nuage que, parfois, brin d’herbe entre les dents, je regarde passer. Mains sous la tête, allongé dans la plaine, je regarde passer les nuages – pas vous ? – et je me dis que je mangerais bien un fleurburger et je chie dans mon froc en pensant à tout le fric que je dois à Tony Montana ; je cherche, dans le global village, une petite place handicapé pour me garer et écouter, sur un transistor mort, une chanson de Beck, de son vrai nom Bek David Campbell, une chanson qui dirait :

I’m a loser, baby

Ma vie est-elle destinée à la poubelle jaune ?, à la poubelle marron ? Ce n’est pas simples ces questions. C’est un peu comme l’espace Schengen : je n’ai jamais trop su quoi en en penser. Et ce soir, la lune a coulé au fond d’un ciel mouillé et quand j’aperçois ma gueule dans la glace, une glace qui ne réfléchit pas beaucoup – une grande glace Macadamia Nutt Brittle – j’entends le camion poubelles qui ronronne. Il m’attend. « J’arrive, mon frère, j’arrive, donne moi dix secondes, j’attends que Beck, de son vrai nom Bek David Campell, ait fini de chanter :

In the time of chimpanzees I was a monkey

La vie, on la rate, on la réussit ; dans tous les cas, ça se joue probablement à pas grand-chose. A un jeudi matin qu’il aurait fallu négocier autrement. A un coup de bol, à un coup de pute. A un courant d’air dans le Montana. A une question de tempo. Et je suis peut-être le descendant d’un grand naufrage, le naufrage du Duroc (dans la nuit du 12 au 13 aout 1856, pas de morts) ou le naufrage du Northfleet (22 janvier 1872, plus de 300 victimes), et dans la soirée fraiche, j’écoute la chanson de Beck, de son vrai nom Bek David Campell, celle qui dit :

I'm a loser baby so why don't you kill me ?