Ma vie avec Clint
Clint est octogénaire. Je suis Clint depuis 1976. Ne souriez pas, notre langue, dont les puristes vantent l’inestimable précision, peut prêter à confusion. Je ne prétends pas être Clint, mais...
le 14 oct. 2016
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Fermez les yeux.
Ecoutez !
https://www.youtube.com/watch?v=-0kcet4aPpQ&vl=fr
(...)
Reprenons. Le morceau débute par l’appel joyeux de la caisse, le tintement de pièces et le bruissement du papier-monnaie. Vous, les plus jeunes, élevés à la carte bancaire et au paiement sans contact, ignorez tout du chant de la caisse enregistreuse. Sachez que, jadis, il était impossible d’ouvrir le tiroir-caisse sans que la machine ne lance ce cri inquiet. Soucieuse de protéger ses précieux écus de la convoitise des apprentis et employés, elle avertissait la patronne. Au quotidien, le cri de la cassette annonçait une transaction. Quelques pièces de monnaie s’apprêtaient à quitter la poche du client pour se précipiter dans la caisse du détaillant. Bientôt, elles iraient rejoindre le coffre du grossiste, puis de sauts en sauts, la banque de détail, la banque d’affaire pour achever leur course dans un paradis fiscal. Sachez que l’argent se meut et tend à se rassembler dans quelques mains fabuleusement riches.
Après plusieurs albums nébuleux, Roger Waters, le nouveau leader du groupe, propose un album « Down to Earth », ancré sur les misères de la condition humaine. En quelques mesures et trois brefs couplets, Pink Floyd nous sert une leçon d’économie politique.
Waters construit sa chanson comme une peinture impressionniste : l’addition successive des notes et des sons confère à l’ensemble une valeur bien supérieure à l’addition de ses éléments constitutifs. Une caisse enregistreuse, des pièces d’or, le riff de basse qui ouvre la danse, suivi par une guitare funky, un tempo cool, le tout talonné par l’orgue de Rick Wright et la batterie de Nick Mason, avant le retour de la caisse enregistreuse.
1 - Premier temps. Argent, recule ! L’argent c’est le pied, l'argent c’est paradoxal et fascinant !
Money, get away
Get a good job with more pay and you're OK
Money, it's a gas
Grab that catch with both hands and make a stash
New car, caviar, four star dreaming
Think I'll buy a football team
2 - Second temps. Argent, revient à moi ! Je n’en aurai jamais assez, d’ailleurs, j’ai besoin d’un jet privé !
Money get back
I'm all right Jack keep your hands off my stack
Money, it's a hit
Don't give ma that do goody good bullshit
I'm in the hi-fidelity first class travelling set
And I think I need a Lear jet
(2mn) C’est l’explosion du saxo ténor, un solo décomplexé de Dick Parry : l’argent, c’est la liberté, la force et la jouissance. Crésus dort en paix.
(3 mn) Le tempo se fait frénétique, le solo de guitare s’affole. Oubliez la quiétude : l’agent, c’est violent. Les pièces d’or tintent, l’or rend aveugle, l’or tyrannise. Crésus part en guerre afin de protéger son pactole. David Gilmour nous sert deux longues minutes de stress intense. Il fouraille en chacun de nous, bouscule, violente, s’acharne puis s’apaise. Il se veut prévenant, consolateur. L’argent est souffrance. Souvenez-vous de la misère de La femme pauvre de Léon Bloy
3 - Finale : L’argent, c’est le crime, la source du Mal.
Money, it's a crime
Share it fairly, but don't take a slice of my pie
Money, so they say
Is the root of all evil today
But if you ask for a rise it's no surprise that they're
Giving none away
Gilmour s’est tu.
Tout est dit.
L’agent, c’est le crime.
Depuis toujours.
Et pour toujours.
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le 30 nov. 2017
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