Mr. Tambourine Man par Théo Altman
Personne dans l'histoire de la musique n'aura autant usé à la perfection de textes d'un beauté aussi fantastique que celle de Bob Dylan. C'est le Songwriter par excellence, celui qui manie la plume du bout de ses doigts et qui transcende la poésie en la faisant chanson. Bob Dylan n'est clairement pas facile d'accès : il faut s'accrocher, surtout s'il on a du mal avec l'harmonica. J'ai donc choisi le morceau que je chéri peut être le plus, extrait de Brigin' it all back Home : Mr. Tambourine Man.
Dans cette chanson, Dylan semble jouer avec les consonance, le rythme et la profondeur. Si certains diront que Mr. Tambourine Man est une chanson qui parle de drogue, je me permet d'être dubitatif : Qu'est ce que sinon, un autre moyen de s'échapper? Une partie de soi -ou de quelqu'un d'autre qui est seul à nous comprendre, toujours insensible, indifférent, continuant sa course. L'espace entre la réalité et les rêves est annihilé. Dès le début, tout n'est que poussière : Les empires de la raison s'effondrent, et redeviennent poussière. Tout le monde institutionnalisé n'a ici aucun sens, puisque les rues en sont vides à mourir. Devant tant de morosité, comment pourrait venir le sommeil, puisqu'il n'y a personne à rencontrer ? Reste le fameux Mr Tambourine Man.
Le joueur de Tambourin semble refléter le défi que l'on se lance à soi-même. Rien n'est dur, rien n'est facile: Tout n'est que réflexion (miroir) de notre propre esprit et des défis que l'on se lance, c'est ainsi que l'on est prêt à tomber sous notre propre parade, qu'il lance donc son sort vers nous, qui n'arrivons pas à trouver le sommeil. Le rythme occupe une place importante : la cadence de la chanson fait jouer d'elle même le tambourin : la continuité de l'esprit prend apparence physique. Ce qui se développe devient entité-même, mais ne s'achève pas immédiatement : prisonnier de son salvateur, on se laisse guider par lui et on en tombe peut être même amoureux (syndrome de Stockholm). C'est peut être l'expression même du narcissisme aigu de l'homme, chassant sa propre ombre.
C'est sur une évasion claire et nette que Dylan achemine vers le dernier couplet : alors que, envoûté, on croit la chanson terminé, sa voix sort des brumes, afin de demander de disparaitre au fond de sa pensée, au milieu de décors délabrés, des places variées et en même temps tous vide. L'on récupère enfin sa liberté, une main flottant librement, se croyant héros immortel, silhouetté par la mer. Tout ce qui était mémoire et foi vient se noyer au fond du plus profond des océans, des limbes de l'esprit. Rien n'a plus aucune importance, puisque tout ce que l'on souhaitait était d'oublier aujourd'hui jusqu'à ce qu'arrive demain. Le dernier couplet atteint les limites de la conscience et de la raison, et clôt la chanson sur une envolé lyrique magnifique, où la tristesse n'a plus de place, grossièrement traduite par moi ici, comme d'habitude :
Alors fais-moi disparaître à travers les anneaux enfumés de mon esprit dans les ruines brumeuses du temps, loin des feuilles gelées, arbres tremblants et hantés, dehors au vent des plages, loin de l'atteinte tordue des chagrins fous.
Oui, pour danser sous le ciel de diamant avec une main flottant librement, silhouetté par la mer, encerclé de sables de cirque, tous mes souvenirs et mon destin engloutis sous les vagues.
Laisse moi oublier aujourd'hui jusqu'à demain.