Orly
8.4
Orly

Morceau de Jacques Brel (1996)

Cette chanson c'est un film.

Fermer les yeux. Il y a les premiers mots ( "Ils sont plus de deux milles et je ne vois qu'eux deux.")qui sont la séquence d'introduction : ne les voyez vous pas, cet homme, cette femme, suspendus dans le souffle de l'autre, dans le souffle de Brel, qui refusent de se quitter?

Cinquante secondes, avant d'entendre la première note de musique, et vous ne l'entendrez que si vous tendez l'oreille. Et sur la voix de Jacques, trois quatre notes en sourdine se succèdent, la place est laissée à la voix du grand Jacques, à son émotion, à son pouvoir de conteur également.
Ce n'est qu'à la fin du premier refrain ( au bout d'une minute treize ) que la musique éclate. C'est que les protagonistes sont installés, la situation est posée, on leur a tous donné un visage, libre à l'orchestre de traduire leur drame.

Mais aussitôt que Brel revient, la musique s'efface de nouveau.
"Et maintenant ils pleurent, je veux dire tous les deux, tout à l'heure c'était lui lorsque je disais : il".
La voix est plus rapide, plus intense, plus paniquée, plus touchée, et e souffle, la pause, la respiration que Brel met avant "il" est une merveille. Tout est fait pour que l'auditeur voit cette chanson, qu'il comprenne chaque mot, cette pause, c'est celle d'un acteur. Le "il" rond dans la bouche est d'autant plus savoureux et sensuel qu'on l'a attendu.

Après cette phrase, la musique est là, elle est les sanglots, elle est les cris, elle est l'homme et la femme, et Brel est tout à la fois. Il accompagne tous ses mots, quand il dit "lentement" ça se voit, se goûte, se tâte. Son souffle, son souffle qu'on entend entre chaque phrase, c'est le décors, les acteurs, la lumière, on attend qu'il se mette à pleurer.
La voix tremble, il l'aime cette femme, il la voit, ou bien est-il cette femme?
"Ca y est, elle a mille ans!" , non c'est lui, c'est lui qui sent le poids des ans du au poids des ans... Et la trompette le rejoint, le pousse dans sa nostalgie et sa douleur. La trompette est cette douleur dans le ventre qu'elle ressent, qu'il ressent, qu'on ressent lorsqu' "il" "disparait, bouffé par l"escalier".

"Elle a perdu des hommes, mais là, elle perd l'Amour!" Les violons s'élèvent, et déjà le film va s'achever, et non, non, il n'y aura pas de happy end, c'est moi, c'est eux qui est-ce qui a perdu l'Amour ?

"Revoilà l'inutile, elle vivra de ses projets qui ne feront qu'attendre", ce qui pour Brel équivaut à mourir..

Avec l'Amour, elle perd la vie. Ce film est magnifique.
EIA
10
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le 28 juil. 2013

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EIA

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