Musique certainement la plus populaire de France Gall avec un "Laisse tomber les filles" sous forme de mantra lancinant qui ne présageait pas la flopée de chansons que Gainsbourg écrira ensuite pour elle, poupée de cire poupée de son est une chanson qui ne ressemble à aucune autre de son répertoire, néanmoins dans les paroles. La symphonie de Beethoven samplé par l'homme à la tête de choux est le seul élément qui lie cette musique avec les autres.
Pour commencer, c'est une chanson qui inscrira définitivement France Gall dans la maturité. En effet, "laisse tomber les filles" était déjà curieux, une jeune adolescente qui ne croit plus en l'amour comme une ménagère de + de 50 ans aux multiples liaisons laissait déjà de marbre les critiques de l'époque (on ne peut pas s'empêcher d'y voir aussi, Gainsbourg oblige, une critique des jeunes filles qui se laissent séduire pour un oui pour un non, clin d'oeil clin d'oeil, par les "fuckboi" de l'époque).
Là, France Gall est l'objet de la chanson, et contrairement aux chansons nunuches que son père (le vrai méchant de l'histoire, j'y reviendrai plus tard) et des paroliers nées bien avant la guerre, donc bien loin des préoccupations nouvelles de la génération Baby Boomer lui écrivaient (comme si Jean Jacques Goldman voulait écrire une chanson pour les Kids United en somme), elle incarne le phénomène des yéyés de son époque.
N'y voir qu'une moquerie de Gainsbourg envers les chanteuses de variétés manipulées par les producteurs seraient à mon sens trop restrictif. Il pose un vrai débat de société selon moi, que les paroles de France Gall sur cette période vont alimentés : que sommes nous prêt à faire pour l'argent ? Contrairement aux sucettes à l'anis (même si elle a tenu des discours contradictoires avec le temps), France Gall comprenait bien le sens de la chanson en témoigne ses réflexions : "À vingt ans, j'étais encore tout à fait bébé (...) À cette époque, j'avais très peur des garçons et cette chanson me ressemblait fort (...) J'avais la désagréable sensation d'être vendue à longueur de journée, comme un produit (...) Spectatrice de ma vie, je faisais une totale confiance à ceux qui m'entouraient, me dirigeaient. Je ne disais rien, j'apprenais".
On ne peut pas nier que les chansons de Gainsbourg sont les seules qu'on peut écouter encore aujourd'hui (les airs de fanfare et de goûter d'anniversaire du collège de ses autres compositeurs passent mal à l'oreille moderne). On ne peut pas non plus nier que c'est une des rares chanteuses de notre répertoire à avoir traversé l'Atlantique et contribué à forger ce mythe immuable des années 60 pourtant faux mais qui trouve une résonance dans la nostalgie des personnes de l'âge de France, à qui ses chansons étaient dédiés, non sans un ton moqueur pour le mieux, dépassé pour le pire.
Si elle a attendu d'avoir "vécu ses chansons" avec Michel Berger, elle est resté encore quelques années la Lolita préférée des producteurs et des écrivains, ne rompant sa collaboration avec Gainsbourg, Delanoë et tous les autres que lorsque ça n'a plus marché. Le train des années 70 qui va rendre ringard les yéyés à l'exception de Françoise Hardy et Jacques Dutronc, avec un Gainsbourg qui aura trouvé une nouvelle muse en la personne de Brigitte Bardot, va définitivement la faire basculer dans une variété plus proche d'elle, de ses valeurs et de ses envies, ce qui pour certains, la standardisera encore plus finalement que ce qu'elle était à l'époque, dépouillée de la plume de Gainsbourg. Que dit on des poupées de cire au soleil ?