Anastasie

C’est tout de même étrange, toutes ces coïncidences.

En pleine période électorale, la nouvelle version de SensCritique déboule. Sans que l’on sache qui a voté pour. Sans programme. Et, à l’instar de toutes les listes de tous les candidats, sans trace de politique culturelle. Sûre de remporter le suffrage, puisqu’il n’y a personne en face. Aucun autre site qui pourrait attirer les cinéphiles, les lecteurs avec ou sans images, les mélomanes éclectiques, les joueurs… tous ensemble, tous ensemble, tous.

Il y aurait eu un simulacre de référendum : des citoyens de la communauté auraient pu bénéficier du privilège, en s’inscrivant avant la date fatidique, de tester la… chose.

Qu’en ont-ils pensé ? Qu’en ont-ils dit ? Mystère. Pas de porte-parole du gouvernement pour informer le petit peuple du réseau.

Certes, la campagne avait été un peu agitée. Quelques empaillages, des noms de volatiles, des accusations, de la diffamation, rien que de très habituel. Guère plus d’électeurs privés de leurs droits qu’en temps normal. Chacun vaquait à ses activités, commentait l’actualité, émettait des statuts d’humeurs, postait des messages, papotait avec son cercle éclairé et amical. Pour un peu, on se pensait tranquilles, presque en famille.

« Si la censure vient du latin, Anastasie, elle, vient du grec : son nom signifie résurrection – une façon pour les auteurs et les médias de rappeler que la censure, abolie sous la Révolution puis rétablie par Napoléon, ne meurt jamais vraiment. »

Alors vlan, pan sur la truffe, Poutine envahit l’Ukraine sous prétexte d’éradiquer des néo-nazis sanguinaires. Et ceux qui ne mouftaient pas, punis aussi. C’est Pâques pour tous, orthodoxes ou pas, on sonne les cloches à tous les abonnés, même aux absents, car ils ont encore tort.

Une fois les bulletins blancs et rouges et noirs et bleus et jaunes recomptés, alors que l’abstention a vaincu, on accuse le coup et on fait l’état des lieux. Des ruines, des exilés, des fuyards, des furieux furibards qui font faux bond, des indécis, des aveugles rois, des muets d’étonnement, des sourds abasourdis comme des pots de terre contre un pot de fer.

Les revendications et les lettres de réclamations pleuvent. Le facteur ne passe pas, le furet court, puis un journal de bord débordé paraît, abondant de jargon abscons. Nous prendrait-on pour des thons ?

Mais non, mais non, c’est vachement bien. Je me demande juste, alors qu’en prime Arno est licencié et décédé, si je vais me mettre aux abonnés absentés, ou sur liste rouge, noire, blanche, jaune ou bleue, me sentant plus parano que jamais à penser qu’on (on ?) cherche à se débarrasser de moi, de nous, sans recommandé puisqu’on ne peut plus rien conseiller à ses amis… Or vouloir comprendre, c’est commencer à désobéir, n’est-ce pas.

Le but de tout ce grand remplacement de l’améliorable par le pire, ce ne peut être que la résurrection de SensCritique en SANScritique.