« L’hiver est derrière nous, l’été est arrivé. Merci au Parti pour tout ça »

Leningrad évoque en moi ce qui se perd, ce qui est condamné, malade, et en même temps l’art, l’harmonie, l’enfance et la beauté… Leningrad, c’est le vent, les mouettes, les grilles en fonte, les larges perspectives, la pierre, les flèches des monuments…

Tatiana Tolstoï « Je suis née à Leningrad » (1990)


J’ai tout fait à l’envers, contrairement à mes habitudes, avec ce film.

Quand j’ai lu "biopic", je me suis dit « ah bon ? il y a du vrai ? des personnages qui ont existé ? » et je me suis renseignée avant de le regarder… jusqu’à savoir ce qu’il allait se passer et comment ça allait finir.

Et J’AI BIEN FAIT !

Parce que cela m’a permis de prendre la mesure de ce que je voyais, qui n’était pas une simple fiction sans enjeu.

Surtout, n’attendant plus aucun suspense, je me suis installée dans l’ambiance et j’ai instantanément fait partie de l’histoire. Pas spectatrice, immergée dans le décor.

J’ai compris, malgré les abominables coupes de cheveux des gars et les tenues seventies des filles, que j’avais vécu des moments semblables, et la nostalgie m’a emportée.

J’ai plongé en même temps que tant de souvenirs remontaient à la surface…


Chacun à sa manière a ressenti et évoqué cette atmosphère étrange, spectrale et diaphane, décor de nuits sans sommeil, principe létal qui se mêle à l’air même de cette splendide nécropole, qui semble imprégner jusqu’à la pierre des maisons, que l’on boit avec l’eau des bras innombrables du fleuve, qui enveloppe les îles innombrables et les cent ponts qui les relient. (TT)

En 1981, j’avais 16 ans (et Viktor 19). Je prenais des photos en noir et blanc sur le vieux Leica de mon père, photos de ma ville, elle aussi construite sur un marais, et qui allait autant changer que Leningrad…

En 1988/9, toujours sans couleurs, c’étaient des photos de ma bande de copains musiciens, de qui je tentais d’améliorer l’accent anglais (ah les traductions de paroles… les choix de noms de groupes…) dans les escaliers, la cour et le local de répétition (on y allait en vélo, on s’était surnommés "la brigade cycliste").


Dès la scène du train, délire clipesque sur le mode « et si… », je jubilais « oui, ça c’est punk ! ». J’ai ri à la scène de la femme dans la cabine téléphonique.

J’ai adoré quand les pochettes de disques s’animent – comme quand on feuillette la collection d’un pote pour choisir quoi écouter ensuite.

Si tous les spectateurs sont tombés amoureux de Natasha, moi j’ai craqué pour le sceptique et son air de lutin new wave bondissant (aux cheveux courts !).


Cette effervescence, cette impression de fouillis visuel et narratif illustraient exactement celui dans lequel j’avais passé mes premières années de jeune adulte. L’alternance de scènes intérieur / extérieur, de scènes collectives et intimes m’évoquait ceux qui avaient des appartements "communautaires" et des chats, ceux encore chez leurs parents, les copains qui restaient dormir, ceux qui venaient manger. Les soirées chez les uns ou chez les autres. Les piqueniques, les murges mémorables, certaines baignades risquées, quelques accidents, quelques bagarres… Ceux qui avaient des voitures pour tous nous emmener aux concerts.

Et cette amitié qui pouvait nous faire danser un slow (et nous embrasser ?) juste par besoin d’un câlin, sans ambiguïté.

Tout cela est contenu dans « Leto ».

Oui, je retrouvais mes uns chez ces autres.

Puis il y a eu ceux qui trouvaient un boulot et sortaient moins. Les couples qui s’installaient, des naissances, des déménagements, la vie qui va.

Personne n’est mort, personne n’est devenu célèbre, presque tout le monde s’est perdu de vue.

… le temps idéal, pour moi, c’est un temps humide, avec de la pluie froide ; la couleur du ciel, un vert maladif ; et je n’imagine pas un chemin sans un pont, sans des rues pavées retentissantes, sans l’abri humide des portes cochères… (TT)

Pour ceux qui veulent en savoir plus :

http://genre-ecran.net/?leto-l-ete

DizzyLizzy
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le 2 juin 2022

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