Ma vie avec Clint
Clint est octogénaire. Je suis Clint depuis 1976. Ne souriez pas, notre langue, dont les puristes vantent l’inestimable précision, peut prêter à confusion. Je ne prétends pas être Clint, mais...
le 14 oct. 2016
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Il était une fois les deux frères Knopfler, guitaristes amateurs. Journaliste musical, Mark, âgé de 27 ans, écume concerts et festivals. Il écoute et brode sur David Bowie, The Rolling Stones, The Clash, Queen ou Pink Floyd. David, son cadet, ne désespère pas de devenir, un jour musicien. Il convainc son frère de se joindre à ses potes des Café Racers : deux guitares, une basse et une batterie. Ils tournent dans Londres, jouent devant des alcooliques, plus ou moins attentifs, courent le cachet… une vie de galère. Mark se prend au jeu et compose sa première chanson, Sultans of Swing. Il y conte ses nuits d’errance, rendant un hommage à tous les musiciens de bar et cabaret.
And a crowd of young boys they're fooling around in the corner
Drunk and dressed in their best brown baggies and their platform soles
They don't give a damn about any trumpet playing band
(…)
And then the man he steps right up to the microphone
And says at last just as the time bell rings
'Thank you goodnight now it's time to go home'
And he makes it fast with one more thing
'We are the Sultans of Swing'
Magnifique. Voyez-vous cet homme, Mark Knopfler, s’avancer au-devant de la scène, modestement, poser sa guitare et lancer à un barman pressé d’en finir, une serveuse fatiguée et une poignée d'ivrognes, de sa belle voix : « Bonne nuit. Il temps d’aller se coucher ». Cet homme sera, dans moins d’un an, une star.
Le groupe célèbre sa première composition en changeant de nom. To be in dire straits signifie « être raide fauché ». Rarement patronyme ne fut plus mal trouvé, car, Mark gagne en confiance et s’autorise des solos de plus en plus extravagants, tirant de sa Stratocaster rouge des sons à fendre l’âme, envoutant les salles, sublimant ses partitions. Sultans of Swing attire l’attention des labels. Le morceau sort en 1979 chez Phonogram. Son succès autorise l’enregistrement d’un album qui se hisse dans le Top 10 aux États-Unis et au Royaume-Uni. Un triomphe. Suivent six albums studios et 120 millions de disques vendus ! L’apothéose de Dire Straits annonce la fin de l’hégémonie disco et ouvre la voie au retour du rock. Mark écrit, compose, chante et dirige. Écrasé par son omnipotence, Daniel le quitte en 1980. Le groupe se sépare en 1993, définitivement.
Mark est un leader discret, l’anti rock star, un artiste à l’ancienne qui limite interviews, séances de photos et s’interdit les caprices de divas. Il impose un phrasé dylanesque, à l’accent britannique, posant calmement sa voix grave et un jeu de guitare particulier, sans médiator, en fingerpicking. Tels les vieux bluesmen, il alterne phrases chantées et phrases de guitare. Les effets de scène sont réduits au plus simple, le groupe est au service de son leader. Allez, Mark, joue-nous un dernier morceau… Une ultime bière et nous irons ensuite nous coucher, c’est promis. Presque… allez, une dernière pour la route…
You are the Sultans of Swing.
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le 6 nov. 2017
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