Debut n'est pas vraiment un album qui brille par sa cohérence : la juxtaposition de pistes excentriques festives qui ont plus ou moins bien vieilli (Big Time Sensuality, There's more to life than this...), de morceaux d'art pop électronique (Human Behavior...) et de chansons paradisiaques plus délicates (Venus as a Boy, Come to Me...) peut être déroutante, et, au final, fatiguante. Le seul élément liant toutes ces pièces étant bien sûr Bjork : sa voix et son idiosyncrasie. Autant dire qu'on est jamais dans l'état d'esprit adéquat pour aborder 'The Anchor Song'; chargée de clore l'album après la dynamique 'Violently Happy'. On se demande d'où sortent ces saxophones qui semblent atonals et aléatoires, et en les voyant revenir après chaque bout de phrase on a vite fait d'y voir un léger craquage de la fée islandaise, de penser à autre chose sinon d'appuyer carrément sur stop.
Et je peux le comprendre, d'abord parce que c'est ce qui a dû arriver lors de mes premières écoutes, ensuite parce que la chanson aurait probablement beaucoup moins d'attrait avec une autre chanteuse - rien de bien complexe dans la composition.
Pourtant celle-ci a quelque chose de différent, de magique. Elle sonne bien finalement cette harmonie de cuivres, surtout au casque. Elle installe directement une ambiance portuaire calme, nocturne, un peu fraîche. Parce qu'ils rappellent les cors marins ? Sûrement. Parce que les paroles vont dans ce sens aussi, j'imagine. Puis tout devient limpide. La séparation instrumental/chant n'est plus une facilité, c'est une symbiose entre sa voix intérieure, pure et vulnérable, et la voix submergeante de l'océan. Bjork n'a aucune raison de forcer outre mesure, d'accélérer, d'impressionner. Le reste de l'album a convaincu, elle peut maintenant s'exprimer sans fioritures. Croyez la ou non, elle vit au bord de l'océan et la nuit elle y plonge pour déposer son ancre et rester au fond. A moins que ce ne soit une métaphore.
Bref j'aime beaucoup cette chanson - et je suis un peu déçu de sa moyenne ici**. J'attends d'avoir l'occasion de l'écouter au bord de la mer, fermer les yeux, m'accrocher à sa voix et à ces cuivres si relaxants ; sentir le temps s'arrêter tandis que Bjork trouve l'harmonie sur « Underneath all currents », et avoir un dernier petit frisson sur le petit mélisme final. Précieux.
http://www.youtube.com/watch?v=17yWeynOfOI (album)
http://www.youtube.com/watch?v=bThwG64R_MU (live)
**ça s'est arrangé depuis, merci SC !