Pendant sept ans, de 2006 à 2013, le plus adulé des réalisateurs de l'animation japonaise est filmé par le journaliste Kaku Arakawa pendant la mise en chantier de ses deux derniers longs-métrages. Débarquant lors du processus de pré-production de ce qui deviendra Ponyo sur la falaise, le documentaliste filme, seul, comment le génie opère, comment il est sans cesse confronté aux doutes, à une auto-pression continuelle et au poids de la vieillesse.
Scindé en quatre parties de 49 minutes chacune, Never-Ending Man: Hayao Miyazaki (sorti en 2016 au Japon, d'où les 10 ans du titre) ne paie en premier lieu pas de mine mais porte en soi une réelle prouesse de documentaire, Arakawa filmant simplement avec une caméra DV le quotidien du réalisateur, se faisant parfois ignorer, presque maltraiter, remballer par ses sautes d'humeur. Et à travers ces 200 minutes, nous découvrons une facette méconnue de Hayao, son caractère impétueux, mégalomane, contradictoire, parfois détestable. Un homme au passé douloureux qui porte en lui des stigmates difficilement effaçables.
Il est intéressant de découvrir comment sont nés Ponyo et son univers poétique destiné aux tout petits et la prise de risque immense que fut Le Vent se lève, premier film non fantastique de son auteur, finalement très adulte et personnel, imaginé peu de temps avant le séisme ravageur de Tōhoku en 2011. Nous plongerons également avec une incroyable intimité dans cet affrontement surréaliste et tendu entre Hayao et Gorō, rival mal aimé de son propre père, qui doit constamment lutter pour suivre les pas de son pater tout en essayant de s'en affranchir, notamment lors de la conception douloureuse, presque vouée à l'échec, de La Colline aux Coquelicots, dont Hayao est le scénariste.
Plus nous avançons à travers des images parfois emplies de malaise, plus nous découvrons un réalisateur adulé de tous, un demi-dieu perfectionniste que personne n'arrive à réellement contester, profondément humaniste malgré tout mais qui n'est plus tout à fait humain, Miyazaki étant devenu depuis longtemps une machine de travail plus qu'autre chose. Un documentaire essentiel pour tout fan de l'auteur, bien que ce que vous risquez de voir ne soit pas du meilleur goût.