House of Cards
7.5
House of Cards

Série Netflix (2013)

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Swimming with sharks, again and deeply

Cette première saison m'a beaucoup plu pour la complexité de ses personnages d'abord. Celui de Kevin Spacey par exemple, Francis Underwood, est un animal politique d'un cynisme de grande envergure, très proche de la caricature machiavélique et l'évitant de justesse grâce notamment à une humanisation apportée avec force petites touches. Son personnage n'apparait pas ainsi comme un monstre, comme une image un peu faiblarde, stéréotype presque surnaturel à force d'infaillibilité. Au contraire, l'implacable densité de son personnage souligne que son ambition peut tout à fait vraisemblablement être le moteur de ses actes. Cependant, cette ambition n'est pas maintenue sans lutte contre des sentiments plus ou moins bien refoulés, des dépendances qu'il exècre au plus haut point.


La crédibilité de sa quête de pouvoir s'appuie sur une écriture soigneuse des scenarii. Elle est à ce point juste que l'on avale de nombreux bouleversements et rebondissements très romanesques en une seule saison.


Le personnage de Claire Underwood, interprétée par Robin Wright est peut-être encore plus complexe, dans sa composition pour l'actrice et à appréhender pour le spectateur. D'abord, elle apparaît aussi froide et calculatrice que son époux. Dans leur appartement gris, ce couple déterminé fait preuve d'un pragmatisme glaçant. Et ce n'est que très progressivement que les scenarii nous les laissent les apprivoiser. Tous les deux. Mais c'est elle qui semble le plus près de quitter cette armure qu'ils se sont constitués pour grimper les échelons politiques. On la sent plus à même d'élargir sa vision de la vie, au delà du projet qu'ils essaient d'atteindre. Chez elle, les certitudes affichées jusque là sont prêtes de faillir, les manques, les regrets sont en train de la rattraper. Et pourtant reste encore en elle ce sang de serpent, cette avidité de pouvoir, pour elle comme pour son homme.


Leur relation est très belle, centrale, faite d'interdépendances, de sentiments sincères et de respect réciproque. Alors qu'il sont très loin d'accorder ce genre de privilèges pour les autres, au moins parviennent-ils, la plupart du temps et non sans mal, à préserver une réelle intimité et une confiance mutuelle, malgré les objectifs divergents, les adultères, les doutes. Cela donne en parallèle à l'histoire politique une histoire de couple bien construite, très réaliste.


Sur le plan politique, le dessin est un peu plus grossier. Le trait est exagéré quelques fois, mais cela n'a pas grande importance car le plaisir est au rendez-vous. Ce n'est pas aussi pédagogique que "The west wings", ni basé sur le même sens de l'humour. Ici, le plaisir se développe sur ces passes d'armes stratégiques, ces parties d'échec ou de poker menteur. Les dialogues sont souvent succulents, drôles de méchanceté. Les personnages poussent le bouchon si loin dans la noirceur, le cynisme, dans la fourberie et l'outrecuidance des mensonges politiques que cela en devient comique. L'exercice de style est très agréable à suivre. On se délecte du ciselé de l'écrit.


Là encore au cours de la saison, une évolution modifie peu à peu les impressions : au départ, on a le sentiment que le couple Underwood est insubmersible, d'une efficacité inéluctable, or, progressivement, leur forteresse est attaquée de partout, les murs s'effritent, les armes s'enrayent parfois. La situation dégénère jusqu'à une espèce de faux cliffhanger à la fin de la saison 1. Le dernier épisode se termine en une queue de poisson, sans véritable conclusion, avec seulement des pistes de périls pas clairement définis , mais on voit à peu près vers quelles emmerdes on nous emmène pour la seconde saison. Les nuages menaçants s’amoncellent. Quoiqu'il en soit, il n'y a pas de déclaration formelle, comme on a l'habitude de le voir dans les autres séries. Ici, on est juste dans l'attente de la suite, mais les difficultés prochaines ont germé au sein même de cette saison, se sont positionnées sans se déclencher encore, petit à petit, tout au long de la saison. On a vu les Underwood construire leur objectif et dans le même temps laisser de petits cailloux dans leurs chaussures. Vivement la saison 2! Avec ou sans cliffhanger stricto sensu, j'ai hâte de voir comment tout cela va tourner en eau de boudin.


Souvent dans les séries américaines, on a l'occasion d'apprécier la découverte de nouveaux et talentueux comédiens. Pour ma part, sur celle-ci, je suis gâté.


Corey Stoll est peut-être celui qui m'a le plus épaté. Très impressionnant de naturel. Et d'aisance simple dans le jeu. Le joli minois de Kristen Connolly me dit bien quelque chose mais où l'ai-je donc vue? House MD? Probable. En tout cas, elle a parfois quelques scènes difficiles où elle tire remarquablement bien son épingle du jeu, avec une grande facilité.


D'autres sont moins enthousiasmants. En premier lieu je pense là à Michael Gill qui joue un président des États-Unis tellement mou du genou et si peu charismatique qu'on peine à y croire. Heureusement, il n'est pas non plus un personnage central. Celle qui l'est, centrale, et qui ne déclenche pas vraiment les applaudissements, c'est Kate Mara. Joli petit corps de femme, mais dont la richesse d'expressions laisse un peu à désirer.
Quand on voit face à elle l'extrême précision, la finesse de proposition d'un Kevin Spacey, le décalage est par moments très douloureux.
Pareil avec Robin Wright, Kate Mara est très loin d'atteindre à l'aura et la profondeur de jeu de cette comédienne il est vrai plus expérimentée. Mais dans l'expression des sentiments, leurs deux personnages sont plutôt avares. Et pourtant Wright arrive à donner quelque chose de très subtile, parfois inattendu, de très délicat alors que Mara m'a semblé beaucoup trop en difficulté.


Dans la mise en scène un petit procédé tout bête apporter une bonne touche d'humour, petit et fréquent rendez-vous plein de jubilation : Spacey se tourne vers la caméra pour commenter ce qu'il vit. Ces apartés ont évidemment un côté théâtral, mais se justifient amplement pour équilibrer, pour aérer un récit par trop condensé sans cela.


Souvent l'humour tient un grand rôle dans la série mais il n'y est pas constant, sa noirceur pouvant laisser place à un véritable suspense dramatique, voire à la tragédie. C'est aussi à ce balancement entre sourires et inquiétudes que l'on doit le grand plaisir de suivre ces histoires et ces personnages.


L'ensemble propose un très bon spectacle, d'une esthétique grisâtre, un peu sèche, souvent très noire, mais toujours élégante. La musique de Jeff Beal trouve un bon tempo, presque "policier" et accompagne le développement du récit avec beaucoup de naturel, mais surtout en accentuant le suspense dans les moments de tension.


Véritablement, il n'y a guère à dire sur l'habillage visuel ou sonore, ni sur la mise en scène (malgré le grand nombre de metteurs en scène), c'est en tout point sensé, tout à fait cohérent avec les histoires qu'on nous raconte. Une très belle première saison. Excitante.


http://alligatographe.blogspot.fr/2013/07/house-of-cards-saison-1-spacey.html




Saison 2:


J'avais énormément apprécié la première saison. Et j'ai encore plus aimé cette deuxième. La façon dont les scénarii et les comédiens ont approfondi l'investigation des deux personnages principaux est prodigieuse. Les ressources qui semblent surgir de ces incarnations sont incroyables cette saison.


On pensait déjà lors de la première que le couple Underwood présentait une complexité, une richesse sur le plan humain qu'on ne voit que trop rarement à l'écran. Mais a posteriori, ils étaient dans une certaine mesure des images encore très mystérieuses. L'implacable cynisme qui préside à toute la panoplie de comportements et d'ambition de ce couple pouvait paraître comme surnaturelle ou du moins psychopathologique grave. Des failles étaient entrevues. Leur relation cimentée laissait apparaître une part d'humanité, mais on était cependant tenté de lâcher le mot "monstres" à leur égard, de les détacher de l'humanité, de les mettre à part.


Cette deuxième saison confirme qu'il n'en est rien, que leur personnalité commune est effectivement plus complexe. On apprend que ce sont bel et bien deux êtres humains, qu'ils ont de véritables instincts affectifs, de vrais sentiments, de la compassion, ils sont capables d'empathie, de regrets, bref que leur cynisme certes prioritaire n'est pas sans prix. Alors oui, ce cynisme reste toujours vainqueur, mais il nécessite des sacrifices. Éléments qui ne sont, vous en conviendrez, absolument pas dans le curseur d'un monstre.


Voilà ce qui fait la richesse de cette admirable série, c'est qu'elle vous décrit par le menu comment un couple peut concevoir son évolution, sa propre histoire en écrasant tout sur son passage pour parvenir à ses fins, dessinant non une simple ascension stratégique, sans merci, mais effectivement malgré tout cela.


À une ou deux reprises sur cette saison, Claire Underwood (Robin Wright) et son mari (Kevin Spacey) laisse paraître des traces sincères d'humanité. En dépit de cela, ils continuent à avancer, à provoquer de la souffrance, à saccager des vies. Il faut imaginer le boulot que cela nécessite à l'écriture pour garder un équilibre entre l'idée sur le papier et le résultat à l'écran, ainsi que sur le ressenti du spectateur : c'est un travail phénoménal, une écriture d'orfèvre, minutieuse, pointilleuse.


Encore faut-il souligner le travail des comédiens qui doivent prendre un panard gigantesque à rendre ces sentiments palpables, crédibles ! En tant que spectateur, ce plaisir là se communique foutrement bien ! Les acteurs qui avaient survolé avec une grande aisance la saison 1 sont les mêmes sur la saison 2. Grosso modo, on retrouve la même distribution. Et ce qui en ressort est toujours la très précieuse justesse dans le jeu. La plupart des personnages doivent être joués dans des tonalités très froides, au scalpel, laissant échapper parfois quelques secondes de trouble. Dans la sphère politique proposée, peu de place à l'outrance, les sentiments sont diffus. Pour les comédiens, la finesse de jeu doit être continue. Elle l'est. Un régal pour le spectateur que je suis !


En étant un poil plus spécifique dans l'humanisation de leurs personnages, Kevin Spacey et Robin Wright accaparent davantage l'attention. Réussir à rendre un tant soit peu sympathiques ce couple d'enfoirés relève d'un exploit que l'on doit autant à l'écriture qu'au jeu des comédiens.


Sinon, si on insiste pour mettre en lumière d'autres comédiens, j'en évoquerais deux. D'abord, Michael Kelly qui joue Doug Stamper, prend une part de plus en plus importante. On a déjà saisi lors de la première saison toute l'ambiguïté de la relation qu'il noue avec sa "protégée" (Rachel Brosnahan). Ici, c'est encore plus flagrant que quelque chose le consume. Son incapacité à bien en évaluer la teneur, ni même l'intensité est très bien exprimée par le comédien.


Deuxièmement, je ne saurais oublier la participation de Molly Parker. Elle apparaît seulement cette saison. En quelques épisodes, elle impose plus que sa superbe présence. Elle dépasse largement ce physique fascinant pour faire mouvoir au sein de ce panier de crabes une autre créature pleine d'ambition et qui découvre peu à peu à quelles extrémités elle peut aller pour obtenir gain de cause. Mais elle ne s'arrête pas là et, elle aussi, offre des facettes intimes qui rendent sa "lecture" plus compliquée, incertaine. À l'égal des Underwood, voilà un rôle qui paraît bien façonné, difficile à appréhender, notamment grâce à la subtilité de la comédienne.


Sur le plan formel, il semblerait que la série ait opté pour la même esthétique glacée, plutôt austère, évitant comme la peste toute vigueur dans les couleurs. C'était le cas sur la saison 1. On garde le même credo visuel. La photo reste dans des tons unis. Les personnages sont très souvent maintenus dans des lumières blafardes, comme tapis dans l'ombre. Cet espace environnant permet avec des plans larges fixes d'enfermer les personnages dans le cadre et ces couleurs passées. Il s'en dégage par moments une profonde mélancolie qui finit par imprégner toute la série. A d'autres instants, on vers dans le noir, les ombres rampantes. La poisse.


J'aime beaucoup l'usage des sms et leur habile insertion dans l'écran. C'est plutôt bien utilisé. Avec parcimonie et à propos.


J'ai cru entendre qu'il faudra attendre plus longtemps que prévu pour la saison 3. Aïe, dommage!


http://alligatographe.blogspot.fr/2014/03/house-of-cards-season-saison-2-spacey.html




Saison 3:


Aïe, difficile de traiter de cette troisième saison sans spoiler. Parce que l'évolution des personnages principaux prend une tournure qui, à titre personnel, met en jeu mon intérêt pour la série. Cela suscite une inquiétude que je veux exprimer. Aussi cette bafouille sera essentiellement sous spoiler. Désolé pour ceux qui n'ont pas vu cette saison. J'essaierai en fin de sujet de résumer sans spoiler le sentiment général.


DEBUT SPOILER


J'ai bien conscience que l'idée de casser la dynamique du couple Underwood est en soi alléchante a priori pour les scénaristes parce qu'elle est imprévue, qu'elle crée un suspense immédiat, etc.


Mais justement, cette rupture est trop rapide d'abord et fait voler surtout en éclat toute la cohérence dans les deux premières saisons. La série toute entière était axée sur la formidable unité, froide et cynique du couple mais reposant sur un drôle d'amour, une association de serpents pas si froids. C'était cette alliance extraordinaire, cette complicité allant jusqu'au bout, aux meurtres qui n'excluait pas de réels sentiments amoureux. Une interdépendance produisait ce couple politiquement indestructible.


Or, cette troisième saison détruit ces certitudes. On avait déjà vu que les deux Underwood pouvaient avoir des moments de faiblesse où ils laissaient entrapercevoir leur part d'humanité, mais de là à tout faire exploser pour des raisons plutôt mal définies, c'est un peu trop fort de café. Que Claire Underwood se sente d'un coup isolée, humiliée ou attendrie par le suicide d'un type qu'elle ne connaît pas, que Franck Underwood fasse aussi peu cas de des collaborateurs, de sa femme en pleine campagne électorale, qu'il use d'une telle violence à leur égard, surtout vis à vis de sa femme, tout cela n'entre pas dans le fil de l'histoire qu'on nous a contée jusque-là. Il y a là un manque de cohérence par rapport aux saisons précédentes. Cela ne rentre pas dans le puzzle. On s'attendait plutôt à ce que Claire prenne la suite de son époux dans une course future à la Maison Blanche, pas qu'elle fasse une espèce de dépression ou du moins ce caca nerveux parce qu'elle a été virée de l'ONU et qu'un écrivain neurasthénique lui chatouille l'orgueil ou l'inconscient. Ça ne tient pas debout. Si cette évolution devait avoir lieu, il aurait fallu plus de temps, plus de maturation, que le couple ne soit plus à la Maison Blanche, soit en panne d'inspiration et d'ambition. Là, tout est allé beaucoup trop vite pour me faire avaler ces couleuvres.


Je suis donc curieux de voir la saison 4 pour apprendre comment ils vont retomber sur leurs pattes, si l'opposition entre Claire et Franck peut donner quelque chose d'original, si cette guerre des roses au sommet de l'état peut accoucher d'un enfant un tant soit peu viable.


Fin SPOILER


Lors des deux premières saisons, l'inhabituel était au rendez-vous. Avec cette saison 3, on est peut-être à un tournant, vers une série qui rentre dans le rang, plus ordinaire ? La saison suivante mettra ça au clair, mais j'avoue que je crains une continuité dans la déception.


Néanmoins, malgré cela, la saison 3 est encore dotée d'épisodes foutrement bien écrits. C'est donc plutôt sur la longueur de toute la saison, l'évolution générale que je trouve à redire.


Mais les épisodes considérés indépendamment les uns des autres sont maîtrisés dans l'écriture, parfois avec une grande finesse. La lecture de cette saison reste fort agréable. Les passes d'armes politiques sont toujours aussi savoureuses et la façon dont les scénaristes ont associé leurs trames à l'actualité politique réelle (Pussy Riot, Petrov/Poutine, conflit israélo palestinien, etc.) offre un surplus d'intérêt et de plaisir.


Les comédiens sont toujours très forts.
Kevin Spacey, en laissant se développer certaines failles chez son personnage, est encore plus génial. Son jeu frôle l'extraordinaire par moments.


J'ai été très surpris de découvrir dans les seconds rôles que (...) (Danton) était un comédien aussi sûr et riche. Il en avait jusque-là gardé sous la pédale. Sur cette saison, il fait étalage de son grand talent. Très très bon.


Par conséquent, cette saison 3 continue sur sa lancée à proposer des épisodes fignolés, plaisants à suivre, notamment grâce à une écriture aux petits oignons et quelques grands numéros d'acteurs mais l'évolution des personnages principaux marque un virage qui peut s'avérer décisif autant que décevant pour l'avenir et ne laisse pas de m'inquiéter car j'ai aimé l'essence de la série sur les deux saisons précédentes. Parfois, la révolution n'a pas que du bon. À suivre.




Saison 4:


Si ce n'est son épisode final bourré d'invraisemblances délirantes, cette saison 4 a été enthousiasmante. En regard de la saison précédente finalement un brin décevante, cette quatrième est à nouveau passionnante.


C'est donc avec un vrai bonheur qu'on retrouve ces deux personnages incroyablement cyniques, d'une férocité carnassière étonnante. Ces archétypes ne sont pourtant pas dessinés au burin. Les failles existent, notamment dans le couple même. Mais quand ils semblent sur le point de mollir, de s'affaiblir, d'accéder à une certaine normalité, les animaux à sang froid reprennent le dessus. Le pragmatisme d'acier associé à la soif insatiable de pouvoir redonnent aux personnages la force nécessaire pour montrer les crocs, à la plus grande jubilation perverse du téléspectateur.


Parce qu'en effet, la méchanceté du couple Underwood n'est pas qu'une rude critique de la démagogie et des périls auxquels nos démocraties sont comme assujetties. Cette cruauté devient également une arme redoutable d'humour noir. Le niveau de froideur de ces deux là est si élevé qu'ils en deviennent drôles, forcément.


Cette saison 4 a donc retrouvé son axe, sa force principale. Le délitement du couple lors de la saison 3 avait été étayé, je ne le nie pas, mais le résultat était décevant dans la mesure où cette lente désagrégation s'accompagnait logiquement d'un manque d'intérêt croissant pour la chose politique qui devenait secondaire. Alors que cette série est vraiment jouissive quand elle s'évertue à détailler le parcours cynique de ce couple pour l'accès au pouvoir dans un premier temps, puis son opiniâtreté à le garder coûte que coûte.


L'autre versant intéressant de cette série est son aptitude à décrire ces caractères saillants tout en maintenant un certain réalisme. Les deux requins ne sont pas dénués de doutes, de défaillances, bref, d'un vernis humain. On dessine admirablement comment les personnages se sont construits, comment la soif de pouvoir les a corrompu, comment ils se repaissent de cette adhésion au côté obscur de la farce politique. La saison 3, de ce point de vue, avait été tout aussi efficace. La justesse d'écriture n'est toujours pas prise en défaut sur cette quatrième saison. Les personnages sont fouillés en profondeur. À telle enseigne qu'on pourrait parler de série "shakespearienne" sans paraître trop à côté de la plaque. Certes, les caractères sont excessifs, mais ils ne touchent pas uniquement aux aspects primaires de l'être. Les nuances ne sont pas évacuées, loin de là. Au contraire, elles viennent appuyer le trait a priori grossier, en nourrir des ramifications plus subtiles. Dès lors, la lecture en devient agréable.


Au risque de se répéter d'une saison sur l'autre, on ne peut se soustraire au panégyrique des deux comédiens principaux. Kevin Spacey est peut-être davantage époustouflant cette année. Il y a là deux ou trois scènes glaçantes où il mène son personnage sur des sommets, tout en gardant une justesse de ton qui laisse baba d'admiration.


Robin Wright est une nouvelle fois sujette à une profonde introspection tout le long de la saison avec un personnage qui connaît des hauts et des bas. Elle aussi parvient à maintenir une part d'humanité dans son "monstre", gageure qui nécessite des trésors de subtilité.


Boris McGiver prend une importance notable cette saison et c'est heureux. Le comédien est remarquable. On pourrait en dire tout autant de Paul Sparks avec un personnage un peu moins expressif, plus complexe à incarner. Mais ces deux acteurs amènent des notes supplémentaires d'excellence à l'ensemble de la distribution.


Je ne déplore donc que ce dernier épisode où le réalisme en prend un méchant coup dans les burettes, notamment quand on se rend compte que le leader d'un groupe terroriste irakien est interrogé par les services secrets américains sans que ceux-ci aient eu l'idée de prendre un traducteur arabe. Mais bon, c'est anecdotique et n'altère en fin de compte aucunement le très grand plaisir que j'ai ressenti cette année.


De plus, on a mis en place de nombreux éléments très excitants pour la saison prochaine. Je n'ai qu'une hâte : rempiler au plus tôt !


http://alligatographe.blogspot.fr/2016/04/house-of-cards-season-5-spacey.html




Saison 5:


Difficile saison que la 5e! Difficile à comprendre pour deux bonnes raisons. La première, c’est que cette saison fait de nombreuses références à toutes les saisons précédentes. Or, j’ai eu bien du mal à me rappeler des tenants et aboutissants de toutes les intrigues passées. Beaucoup de sous-entendus que j’ai cru comprendre, mais qu’avec bien des difficultés parfois. Cette approche aurait tendance à donner envie de tout revoir à la suite. Nul doute qu’on s’y attachera pour mieux déguster cette série quand elle sera terminée.


D’autre part, de nouveaux personnages font leur apparition et certains comme Jane Davis (Patricia Clarkson), sont particulièrement compliqués à lire, à appréhender. Leurs motivations sont floues comme il se doit et cela ne facilite pas la compréhension générale. Longtemps jusqu’à l’avant dernier épisode pour être exact, j’étais plutôt dans l’expectative en vue d’enfin y voir goutte dans l’écheveau de ce récit.


D’une certaine manière, ces ambiguïtés sont à double tranchant. Elles peuvent être lues comme de très bons feux de diversion si l’on est satisfait par l’explication finale, mais au contraire, elles peuvent s’avérer un poil ennuyeuses si on tique devant le comportement des personnages.


Ce qui est mon cas, en partie : la stratégie de Franck Underwood (Kevin Spacey) ne me paraît pas totalement aboutie pour ce personnage davantage efficace lors des saisons précédentes.


De même l’espèce de trouble affectif, mêlé de naïveté dans lequel se laisse glisser Claire Underwood (Robin Wright) ne convient pas à ce personnage, animal à sang froid jusque là.


Alors certes, il est vrai que dans les saisons passées, on voyait bien que la course au pouvoir laissait tout de même une part d’humanité chez ces deux personnages, et même que cette ambiguïté complexifiait, densifiait les enjeux tout en crédibilisant ces personnages. Mais cette année, j’ai la sensation que cela devient excessif, un petit trop incohérent. La psychologie des Underwood jure un peu sur celle des saisons précédentes et même avec la toute fin de cette cinquième saison.


A la conclusion du dernier épisode, je ne suis pas tout à fait sûr d’être pleinement satisfait du travail d’écriture. Je suis heureux d’avoir assisté à un beau spectacle, peut-être plus riche et varié dans la narration, très équilibré, complexe, mais en même temps je demeure perplexe sur ce que nous joue le couple présidentiel. Sans doute me faudra-t-il voir le dénouement de cette série puis la revoir in extenso pour mieux l’apprécier ?


Toujours est-il que j’ai éprouvé un délicieux plaisir devant certaines scènes superbement dialoguées, avec des numéros d’acteurs très puissants et une mise en scène d’une efficacité élégante, sobre et froide, au scalpel. Cette saison n’est pas ma préférée, néanmoins le terme d’efficacité demeure celui qui me vient d’abord à l’esprit. J’adore House of cards et voudrais la voir encore plus nette, précise, inattaquable.


Captures et trombi saison 5




Saison 6:


Aïe! Je reconnais qu’il fallait à cette superbe fresque politique une fin. Vu le résultat de cette 6e et dernière saison, je me dis qu’il aurait fallu peut-être un peu plus de temps d’écriture, voire d’autres scénaristes, tellement cette saison 6 est catastrophique, aux antipodes de la finesse d’écriture des saisons précédentes.


Dans l’histoire des fins de série merdiques, celle-ci sera sûrement au sommet du hit parade en belle compagnie avec Dexter par exemple. Sur le même principe, les scénaristes ont cru échapper au piège du reniement, même s’ils nous font croire qu’ils flirtent avec cette idée. Il ne nous reste que Claire Underwood (Robin Wright) et sans son alter ego masculin, la série perd sa base où les deux protagonistes jouent le couple infernal, dont la soif de pouvoir est si forte, conjointe, qu’elle leur fait perdre le sens commun.


Sans qu’ils soient à proprement parler des monstres, les Underwood sont si obnubilés par leur marche vers l’accession, puis par leur maintien aux sommets du pouvoir qu’ils pourraient passer pour des êtres non humains, sociopathes déconnectés du réel.


Or, la série montre bien la part de déchéance morale qu’ils s’infligent régulièrement. Ils sont bel et bien humains, mais à deux, dans leur dynamique de couple, ils parviennent aux actes les plus abjects, au dessus de la morale ordinaire. Quand l’un est prêt de faillir, l’autre le rattrape et le remet dans la course folle, dans l’espèce de contrat conjugal auquel le couple s’astreint coûte que coûte.


Avec la disparition de Franck Underwood (Kevin Spacey) pour des raisons extra-artistiques, Claire devient véritablement un monstre, un être dénué d’existence réelle. Et les scénaristes osent même, ce qui pour moi constitue une démission, un sacrilège compte tenu de la psychologie affichée lors des 5 saisons précédentes, évoquer le satanisme du personnage. Jusqu’ici bien ancrés dans le réel, dans le pragmatisme politique et la realpolitik, les personnages étaient totalement étrangers à la religion, à la moindre métaphysique même. Ils étaient athées, sans foi, libres d’être des hommes jusqu’au bout de l’absurde ambition politique, quand celle-ci constitue le seul sens de leur existence même.


A plusieurs reprises sur la fin, la musique, les sous-entendus scénaristiques, l’ambiance créée par la mise en scène donnent un aspect fantastique, mystérieux et presque surnaturel à la série, tellement éloigné de la philosophie très politique et réaliste de la série jusqu’à cette saison. Crime de haute trahison en somme.


Au delà de ce premier échec, la saison 6 réussit à être par moments encore plus compliquée à suivre que dans les saisons précédentes. Mais cela aurait pu être pardonnable si l’écriture avait sauvegardé une assise, un niveau de crédibilité tolérable. Il n’en est rien malheureusement. L’apparition du couple Shepherd (Diane Lane et Greg Kinnear) est désastreuse sur ce point. Jamais lors des 5 saisons précédentes l’histoire n’avait été marquée par la bêtise, l’inconséquence, le manque de pertinence politique et stratégique des personnages. Hé bien, c’est fait avec ceux-là! Aussi la trame principale de cette dernière saison apparaît-elle d’une superficialité affligeante. Jusqu’au twist final hallucinant de débilité, entre Claire (Robin Wright) et Doug (Michael Kelly), ou bien encore avec l’éventuel usage de l’arme nucléaire au Proche Orient… lamentable!


C’est une grande série politique, au sens machiavélique du terme, mais les circonstances l’ont privé du terme qu’elle méritait. On retiendra les saisons précédentes. Cette dernière est si mauvaise que je la déconseille vivement. Gâchis à ne pas s’infliger..


Captures et trombi saison 6

Alligator
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le 20 juil. 2013

Modifiée

le 21 mars 2014

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Alligator

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