Une victime idéale
La précédente mini-série de Jean-Xavier de Lestrade, pertinente mais inaboutie, s'attaquait aux lobbys dans le secteur de l'agriculture ("Jeux d'influence"). Cette fois, le réalisateur oscarisé pour...
Par
le 2 oct. 2020
22 j'aime
La précédente mini-série de Jean-Xavier de Lestrade, pertinente mais inaboutie, s'attaquait aux lobbys dans le secteur de l'agriculture ("Jeux d'influence"). Cette fois, le réalisateur oscarisé pour son documentaire "Un coupable idéal" s'intéresse à un fait divers ayant défrayé la chronique il y a une petite dizaine d'années : l'affaire Laëtitia Perrais, du nom de cette jeune fille de 18 ans assassinée par un criminel multirécidiviste, Tony Meilhon.
Outre une direction d'acteurs remarquable, le point commun entre les deux séries réside dans leur valeur sociologique voire militante, ce sordide fait divers permettant à de Lestrade de poser un regard global sur la société française.
"Laëtitia" balaye en effet de nombreuses thématiques, judiciaires évidemment, mais aussi familiales (le rôle des parents biologiques), sociales (la responsabilité de l'aide sociale à l'enfance) et politiques (la tentative de récupération politicienne).
L'implication du spectateur est d'autant plus grande que la fiction s'appuie sur certains codes du documentaire : ainsi, les vrais noms des protagonistes ont été conservés, et surtout la série est jalonnée de véritables images d'archives, aussi bien pour les extraits de JT que pour l'intervention de personnalités politiques : on assite donc à l'irruption de Nicolas Sarkozy ou François Fillon au beau milieu d'une fiction télé, ce qui est une première en France à ma connaissance.
Le procédé surprend mais s'avère efficace, même si on doit reconnaître un certain déséquilibre de traitement de la part de Lestrade, dont les convictions apparaissent clairement à l'écran (défense des magistrats face au gouvernement de droite) : ainsi, on conserve le discours du vrai Sarko, mais la greffière qui lui répond fort opportunément est une comédienne, avec des arguments mitonnés par Lestrade. La méthode est un peu limite...
Là où le réalisateur marque des points, c'est dans sa représentation du monde non manichéenne et audacieuse, à rebours des clichés habituels. Par exemple, une victime n'est pas forcément un être pur et innocent, par définition irréprochable : Jessica, la sœur jumelle de Laëtitia, est ainsi capable d'attitudes ambigües, de manœuvres pas forcément glorieuses. On comprend bien que les choses sont souvent plus complexes qu'on voudrait le croire, un être humain n'est jamais tout noir ou tout blanc.
De même, la volonté de nous montrer Tony Meilhon à l'âge de 12 ans va dans le même sens : le monstre apparaît alors comme un gamin plutôt mignon, et surtout en souffrance absolue, permettant de souligner que ce type de prédateur ne surgit pas du néant.
Si "Laëtitia" est pertinente sur le fond, soulignons enfin que c'est aussi une série efficace sur la forme, souvent captivante malgré sa dimension tragique, grâce à une structure narrative percutante, qui alterne l'enquête policière sur la disparition de Laëtitia, et l'histoire familiale des jumelles (sous forme de flashbacks), respectant ainsi la trame du livre d'Ivan Jablonka à l'origine du projet.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleures séries françaises, Les meilleures séries dramatiques, Les meilleures mini-séries, Mini-séries françaises (depuis 2000) et Les meilleures séries de 2020
Créée
le 2 oct. 2020
Critique lue 1.1K fois
22 j'aime
D'autres avis sur Laëtitia
La précédente mini-série de Jean-Xavier de Lestrade, pertinente mais inaboutie, s'attaquait aux lobbys dans le secteur de l'agriculture ("Jeux d'influence"). Cette fois, le réalisateur oscarisé pour...
Par
le 2 oct. 2020
22 j'aime
L’histoire de Laetitia Perrais, adaptée du roman ”Laetitia ou la fin des hommes”, d’Ivan Jablonka (Prix Médicis, en 2016) a été mise en images avec ”Laetitia”, une série relativement courte puisque...
le 24 févr. 2020
13 j'aime
4
Excellente série , bouleversante , dramatique sur l'assassinat de Laëtitia par Tony Meilhon . C'est très bien interprétée , jeux très justes de toutes les actrices et acteurs. Marie Colomb et Sophie...
le 13 févr. 2020
9 j'aime
5
Du même critique
Cette fois, plus de doute, le cinéma d'Edgar Wright, quelles que soient ses qualités objectives, n'est définitivement pas pour moi. D'ailleurs je le pressentais déjà fortement (seul "Hot Fuzz"...
Par
le 20 juil. 2017
60 j'aime
15
Le magazine haut de gamme des faits divers français, qui contrairement aux (nombreux) ersatz sur la TNT, propose toujours des enquêtes sérieuses, très documentées, sachant intriguer sans tomber dans...
Par
le 2 avr. 2015
50 j'aime
11
C'est le genre de film qui me file un méchant coup de vieux : c'est bruyant, bavard, ça se veut drôle et décalé mais perso ça m'a laissé complètement froid, tant les personnages apparaissent...
Par
le 4 août 2022
49 j'aime
17