C'est comme cela que Brian Michael Bendis, l'un des plus grands auteurs de comics (on pourra saluer sa prestation sur Daredevil notamment) présente pour la première fois la super héroïne dans les pages de Alias #1. Par ce simple mot, qui redéfinit tout le genre super héroïque. C'est la première fois (ou presque) qu'un comic s'éloigne de la traditionnelle censure des comics destinés à un public plus jeune. Dans Alias, Bendis n'épargne pas aux lecteurs les scènes de la vie quotidienne, les remords, les regrets, les inquiétudes, le sexe, la violence. C'est un premier pas vers les comics matures et sombres qui connaîtront au un large succès.
En réalité, c'est ce qu'est Marvel's Jessica Jones. Un portrait violent et sombre d'une personnalité qui a vécu les pires traumatismes dans sa vie. Tout pour elle est synonyme de cauchemar, et son passé revient toujours la hanter. Netflix permet à Marvel de dévoiler sa face sombre à tous ceux qui prétendaient que Marvel était destiné à un public composé de gamins ou de "fan boys". Je ne suis pas d'accord avec eux. Même si les super héros (si l'on peut les nommer comme cela dans cette série) sont présents, cela ne veut pas dire que la série fait le portrait de super héros qui sauveront le monde contre des méchants banals. Avec une touche humoristique comme le fait toujours Marvel Studios. Même si ça peut marcher (Gardiens de la Galaxie est excellent), ce genre finit par lasser. C'est là où intervient Daredevil et Jessica Jones. Deux séries qui présentent un aspect sombre du monde dans lequel évolue les super héros. Des héros urbains qui devront faire face à leurs soucis personnels, et aux personnes qui leur veulent du mal. Alors que Daredevil était plus centré sur l'enfer provoqué par la mafia, Jessica Jones s'intéresse en particulier à la vie horrible qu'a surmontée Jessica. Son passé revient sans cesse, sous la forme de sa "sœur" Patsy Walker ou de son "violeur" Killgrave. Elle essaye alors de le fuir, tant bien que mal, par tous les moyens, sacrifiant sa vie personnelle pour pouvoir être libre, et ne plus déranger personne.
Jessica Jones, c'est le parcours initiatique d'une femme qui comprend au fur et à mesure qu'elle doit faire face à ses problèmes et non les contourner.
Loin d'être une série ordinaire, elle m'a particulièrement séduite grâce à ses nombreuses séquences qui traitent de la psychologie de l'héroïne, de ses aspects et de son évolution. La Jessica du début n'a rien à voir avec celle de l'épisode 13. La femme torturée se dégage pour vaincre ses peurs, et grandir, prendre confiance en elle.
L'introduction de la série est merveilleuse et est un sublime hommage à l'oeuvre de Bendis et de Michael Gaydos (le dessinateur de Alias). Avec un style qui fait penser à du Alex Maleev, et une musique intrigante et finalement très belle, l'introduction est bien réussie, aussi bien que celle de Daredevil qui était déjà très bien (la musique l'était encore plus).
Netflix réussit là où Marvel Studios avait échoué depuis 2008 : la création et l'évolution d'un méchant charismatique animé d'un but précis et compréhensible. Un méchant attachant en somme. Après avoir mis à l'écran le légendaire vilain de Daredevil, **Le Caïd**, Netflix adapte à l'écran le non-célèbre et non-charismatique **Purple Man**. De son vrai nom Zebediah Killgrave, celui-ci exerce une influence sur les actes des personnes. Il peut ainsi les contrôler à sa guise. Dans les comics, il a un sérieux impact sur les vies respectives de Jessica Jones et de Luke Cage (formidablement interprété par **Mike Colter** au passage, mais je reviendrai plus dessus dans un second temps). Dans la série, il est tout simplement bluffant. Loin des classiques méchants, loin des stéréotypes, **David Tennant** est juste parfait dans son rôle. J'irai même jusqu'à adorer autant l'interprétation de *Heath Ledger* pour *Le Joker* que **Mr. Tennant** dans son rôle du vilain pervers. Animé d'un seul but, à savoir gagner l'amour de celle qu'il a torturé, violé et forcé à commettre des actes dont elle essaye de se racheter, Killgrave ignore les victimes qu'il laisse sur son passage, n'a aucune éthique ni de responsabilités. Mais il a un coeur. Et son coeur est conquis par Jessica, il ne peut pas l'oublier, il la veut à tout prix. Jessica se trouve alors dans une impasse. Doit-elle combler ses désirs pour qu'il ne fasse plus de mal ?
La série traite de relations amoureuses. La première est celle entre Jones et Luke Cage. Luke représente l'homme viril, gentil et attentionné. Mais tout au long des épisodes la relation entre Jones et Killgrave se développe et apparaît plus compliqué que prévu. Tout est bien traité, sans être lourd.
Jessica Jones ne montre pas forcément de séquences d'action bluffantes, car elle n'en a pas besoin. On voit très peu sa réelle capacité au combat avant le septième épisode, mais malgré tout on ne s'ennuie pas. Les sept premiers épisodes peuvent paraître assez redondant, peut être même certains ont-ils décroché, mais pour moi ces épisodes permettent de nouer des relations, de découvrir des personnages qui auront toute une importance capitale alors qu'elles paraissent comme simples et inutiles aux premiers abords (Malcom, Len Simpson, la voisine et son frère Ruben...). Un des points forts de Jessica Jones, c'est d'insérer d'autres histoires à l'intérieur de la trame principale. On pourra alors suivre le parcours de l'avocate campée par une Carrie Anne Mosse méconnaissable et son projet de mariage avec son assistante Pam, alors qu'elle est déjà mariée à une infirmière. D'autres histoires comme des enquêtes de Jessica Jones viennent compléter le programme. Arrive alors le septième épisode, et tout s'enchaîne alors d'une vitesse effroyable. En six épisodes, la relation Jones-Killgrave devient intéressante au plus haut point, les séquences d'action deviennent plus que correctes et de multiples références au comic-book permettent aux fans de se mordre les doigts de plaisir (l'on peut noter principalement le personnage d'Hellcat, de Len Simpson et de l'infirmière de nuit -ce n'est pas un spoil, elle dans le casting-). On notera aussi l'omniprésence de la violence, déjà présente dans Daredevil, mais qui ne gêne en rien au récit, et qui permet de donner une touche plus violente de la vie de Jones.
L'héroïne n'est pas particulièrement attachante. Elle se méfie de tout le monde, elle est désagréable avec tout le monde et elle déteste tout le monde. Elle n'a pas d'amis, à part sa sœur adoptive et son voisin junkie qu'elle aide. Elle balance des jurons plus vite que son ombre. Malgré tout, elle trouve peu à peu chez les personnes de quoi s'évader, de trouver la rédemption des péchés qu'elle a commise.
Les acteurs sont tous excellents. J'ai déjà parlé de Mike Colter (sosie du personnage de Luke Cage en passant), de Carrie Anne Moss, mais on peut saluer aussi les prestations de David Tennant (une des plus belles interprétations de 2015) et de Krysten Ritter. Sublime et talentueuse actrice, elle campe très bien son rôle. On notera aussi les jeux de Rachael Taylor et de Eka Darville.
Au final, Jessica Jones a été une révélation pour moi, m'a plus qu'enchanté et me rend encore plus impatient de découvrir la saison 1 de Marvel's Luke Cage.