The Americans
7.3
The Americans

Série FX (2013)

Voir la série

The Russians [Critique de "The Americans" saison par saison]

Saison 1 :
S'il y a une réussite indiscutable dans "The Americans", nouvelle série politique et paranoïaque dans la lignée de "Homeland", c'est la crédibilité de la re-création des USA des années 80, loin de tout folklore rétro, et nous qui avons eu 20 ans et plus en ces années qui paraissent tellement étranges vu de 2014 - guerre froide (le thème de la série, donc...), pas d'ordinateurs portables, pas de téléphones cellulaires ! - avons presque du mal à croire que nous vivions ainsi, sans Internet ni accès immédiat aux personnes et aux informations. Et cette difficulté d'accès "à la vérité" est évidemment un terrain fertile pour une fiction d'espionnage, où, inévitablement, tout est trouble, indécis, rien ni personne n'est fiable, et où la survie dépend du jugement de chacun et de sa capacité à prendre les bonnes décisions à partir d'intuitions. A cela, les scénaristes de "The Americans" ont ajouté une bonne dose de conflits psychologiques et de tourments intimes, qui finalement alourdissent la série : à trop vouloir en dire - sur la difficulté d'être un couple, par exemple, exemplifiée ici par l'artificialité de la liaison entre les deux "héros" -, on finit par fatiguer le téléspectateur ! Je pense aussi à ces innombrables scènes de sexe qui parsèment les épisodes, et qui loin d'être émoustillantes du fait de la froideur générale de la série, ressemblent à des passages obligés pour montrer que "The Americans" est 1) pour adultes 2) moderne. Bref, le bilan est mitigé, malgré la sympathie que l'on ressent pour les trois principaux acteurs, crédibles mais surprenants, et malgré certains épisodes bien troussés (comme le dernier de la saison, par exemple). Globalement, sans doute du fait de ses excès (de froideur, de fiction), "The Americans" s'affirme comme une série intelligente et originale, mais pas très excitante. Pas vraiment addictive, pour tout dire...


Saison 2 :
La saison 2 de "The Americans" voit la série progresser vers un statut - pas forcément enviable - de petite série intelligente, mais pas totalement réussie, qui risque de rester désormais le sien. "Petite", parce qu'il semble que l'investissement financier et créatif de la série se concentre sur la reconstitution, assez parfaite, de l'Amérique du début des années 80, et qu'il ne reste plus d'argent ni d'imagination pour rendre la partie "espionnage" plus spectaculaire, ni d'ailleurs le scénario plus accrocheur. "Intelligente" parce que le thème sous-terrain de cette seconde saison, qui n'émergera clairement que dans les tous derniers épisodes, est celui de la filiation, de l'héritage que l'on peut (ou pas) transmettre à ces enfants quand une large partie de notre existence est basée sur des faux semblants : la situation de nos espions russes est évidemment extrême, mais les questions de croyance politique, de foi religieuse ou d'avenir "professionnel" soulevées ici sont finalement universelles. "Pas totalement réussie" parce que, malgré des personnages à l’ambiguïté originale, rapidement attachants, on s'ennuie toujours légèrement au fil de ces épisodes pas toujours bien construits, et de scénarios pépères et manquant même parfois de crédibilité.


Saison 3:
A la différence de la plupart des séries que l'on voit se déliter plus ou moins rapidement au fil des saisons, il aura fallu 3 saisons presque complètes pour que "The Americans", que l'on suivait jusque là plus par curiosité que par passion, révèle sa grandeur : ce basculement, cet éveil ou plutôt ce gain en profondeur, en texture, survient vers le 9ème épisode, quand le monde des Jennings commence à s'effondrer malgré les prodiges de duplicité, d'ingéniosité et de sang froid dont font preuve nos agents du KGB infiltrés dans la société américaine. Plusieurs coups du sort inattendus, quelques meurtres qui laissent un goût beaucoup plus amer dans la bouche - il y a une indéniable montée dans l'horreur de la violence ici, même si elle est plus sporadique que jamais -, une entreprise de séduction qui risque de déboucher sur une relation pédophile, c'est déjà beaucoup... Mais, comme on pouvait s'y attendre depuis une bonne saison, c'est au sein de la famille que le sol va définitivement s'ouvrir sous les pieds de nos héros. Et c'est là que "The Americans" se confronte enfin frontalement à son véritable sujet : l'identité au sein d'un monde de mensonges et d'illusions, au final pas si éloigné du quotidien de chacun d'entre nous, occupé à survivre face à une réalité de plus en plus illisible et illusoire. En usant largement d'ellipses qui ouvrent des béances dans le récit, et en renonçant à son habituelle conclusion sous forme de suspense à haute tension, pour privilégier un lent et douloureux effondrement de son héros, Phillip Jennings, vers le doute, "The Americans" fait preuve d'une maturité qui est la marque des grandes séries. Et bien sûr, la dernière scène laisse penser que le pire est encore à venir.
[Critique écrite en 2016]


Saison 4 : [Attention Spoilers !]
Pas publiée à date en DVD en France, la quatrième saison de "The Americans", une série généralement sous-estimée, se révèle la plus singulière, voire la plus exigeante : pas question cette fois (ou si peu...) de nous accrocher avec du thriller et de la tension, même si le scénario est riche en événements, entre fuitages d'armes biologiques et embroglios familiaux ! Le choix de l'équipe de Joseph Weisberg (un ancien de la CIA, semble-t-il) est de se concentrer sur l'impact psychologique et moral des choix - souvent cruciaux - que vont faire ici les membres de la famille Jennings, mais aussi les différents protagonistes des multiples arcs narratifs construits depuis le début de la série. Du coup, et même si bien des comptes se voient ici soldés, avec une hécatombe de personnages, le rythme patient de la série, l'absence de cliffhangers et de moments spectaculaires pourra rebuter les téléspectateurs les moins attentifs... Il est donc plus que jamais évident que l'objectif de Weisberg est de nous dire combien une vie de mensonges, pour les meilleures raisons du monde (l'amour de la patrie, la protection de sa famille, la "paix dans le monde", même...), s'apparente à un interminable séjour dans les flammes de l'enfer. La fin brutale, implacable même, de toutes les illusions (la mort de Nina, l'effondrement du mensonge du mariage de Martha, l'abandon de sa carrière par Oleg, la débâcle de la vie amoureuse et familiale de Stan, la découverte progressive de la veritable nature des parents de Paige, et surtout la réalisation par les "infiltrés" que le "Vieux Pays" ne mérite peut-être pas tous ces sacrifices), se trouve superbement signifiée par une tristesse constante des situations, qui tend même dans les meilleurs moments de la saison à une sorte d'hébétude désespérée. Entre la mort absurde de Frank Gaad, la trahison abjecte d'une amitié naissante et le geste suicidaire terrifiant de William, difficile de dire ce qui brisera le plus notre coeur cette fois, mais c'est en ce sentiment d'apocalypse tranquille qui se dégage de ces 13 épisodes que réside la beauté de "The Americans"...
[Critique écrite en 2018]


Saison 5 : [Attention : spoilers]
On peut considérer la cinquième saison de "The Americans", dans le prolongement logique de la quatrième, comme la meilleure à date, mais certains la trouveront sans doute par trop ennuyeuse, voire carrément soporifique. C'est que Weisberg y fait un travail de focalisation extrême sur son VRAI sujet (les dégâts causés peu à peu par leur profession sur chacun des protagonistes de cette chronique détaillée de vies consacrées à l'espionnage) et évacue désormais largement tous les aspects "thrillers" qui rendaient les premières saisons un peu ludiques. Les missions confiées aux Jennings paraissent de plus en plus injustifiées (comme cette conspiration US contre les céréales russes qui se retourne littéralement comme un gant), ou pire, moralement inacceptables (comme la pression appliquée à une famille russe ayant fui la mère patrie). Le comble de l'ambigüité est atteint dans ce qui pourrait bien être le sommet absolu de la série, l'épisode de l'exécution d'une collaboratrice de la seconde Guerre Mondiale : les répères moraux et les certitudes politiques volent en éclats et il ne reste plus que l'horreur. La description en parallèle de la corruption profonde du système bureaucratique soviétique achève de déshumaniser un monde où il n'y a aucun salut possible, entre le consumérisme sans âme américain et l'idéologie criminelle du communisme. Entre les deux, les Jennings ne savent plus choisir, et leur couple et leur famille se délitent : c'est cette perte vertigineuse de sens - un peu comme chez Le Carré d'ailleurs, mais de manière plus triviale quand même - que Weisberg met donc au cœur de sa série qui, s'approchant de sa conclusion, prend un petit air de "Sopranos"... ce qui n'est pas un mince compliment ! La noirceur du monde a tout envahi, et l'épuisement de la fiction et des personnages qui en résulte a quand même une sacrée allure !
[Critique écrite en 2018]


Saison 6 : [Attention : spoilers !]
La conclusion de "The Americans", "petite série"qui n'a jamais vraiment rencontré son public mais est devenue très grande dans nos cœurs ne nous aura pas déçus. Alors que Gorbachev a pris le pouvoir, que les relations américano-soviétiques se dégèlent, avec des conséquences dramatiques pour le fonctionnement du KGB, quel avenir pour les Jennings ? Les temps changent, le couple explose du fait des désaccords politiques, les enfants Jennings ont choisi chacun une voie opposée, la couverture des espions s'effiloche. Et les dernières missions virent à la catastrophe (C'est d'ailleurs là le côté le plus discutable du scénario de cette sixième saison, puisque d'un coup, plus rien ne semble réussir à nos "héros" jusque là quasi-infaillibles !). Les temps changent donc, et il n'y a plus de place pour les dinosaures d'une autre époque que sont devenus les Jennings. La conclusion de la saison, et donc de la série est terrible, d'une noirceur effrayante, puisque la vacuité de tous les meurtres et de tous les sacrifices qui ont peuplé toutes les années d'activité de nos "Américains" leur explose littéralement à la figure. Et, si l'on excepte une scène de confrontation finale avec l'agent du FBI qui manque un peu de force (on atteint là les limites de ce qu'un bon scénario peut faire quand il n'est pas mis en scène par un réalisateur talentueux...), le dernier épisode est une longue et douloureuse plongée dans la nuit, qui arrive à être morale sans être pour autant moraliste ni manichéenne. Oui, la fin de "The Americans", pas si différente en fait de celle de "The Shield" par exemple, permet à cette série pas assez regardée de rejoindre le peloton de tête des grandes séries adultes...


De celles qu'on quitte avec regret et qu'on n'oubliera pas de si tôt.
[Critique écrite en 2019]

EricDebarnot
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleures séries de 2013

Créée

le 3 mai 2014

Critique lue 1.1K fois

8 j'aime

4 commentaires

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

8
4

D'autres avis sur The Americans

The Americans
Kalimera
8

je ri-can mais je like !

Je suis assez vieille pour avoir bien connu les années 80 avec les Bee Gees, le rubicub, les pantalons verts fluos, les ray ban, les deux Allemagne, la guerre froide, l'URSS et la chine lointaines,...

le 28 nov. 2013

38 j'aime

20

The Americans
T-Babylon
9

American Family… Really ?

Annéess 80, si la guerre froide est loin, Reagan est à la Maison Blanche et la méfiance est de mise à nouveau. Dans le collimateur de l'administration: les agents dormants du KGB. Ce pilote nous...

le 2 févr. 2013

38 j'aime

The Americans
Plume231
9

FBI (à domicile !!!) vs KGB = match très serré !!!

Saison 1 : 9/10 Une fois qu'on a passé l'étape complètement conne de se demander pourquoi les personnages n'utilisent pas d'ordinateurs et de téléphones portables avant de se dire "Mais que tu es un...

le 22 mars 2014

26 j'aime

2

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

205 j'aime

152

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

190 j'aime

25

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

190 j'aime

105