American Family… Really ?
Annéess 80, si la guerre froide est loin, Reagan est à la Maison Blanche et la méfiance est de mise à nouveau. Dans le collimateur de l'administration: les agents dormants du KGB. Ce pilote nous présente donc ce couple d'agents russes infiltrés, parfaitement intégrés à la société américaine, et leurs deux enfants, jonglant entre leur vie de famille et les impératifs de leur mission d'espionnage à haut risque. Il semble clair dès le pilote que l'intérêt et l'originalité particulière de la série reposeront sur cette imbrication qui vise au réalisme et à la dynamisation de l'ensemble par la combinaison des deux thématiques.
Sobre et efficace dans ce premier épisode, la série se construit assez sèchement et plante par scènes courtes imbriquées les personnages principaux et l'environnement dans lequel ils évoluent. Intéressant aussi pour une série américaine que de prendre le parti de découvrir l'intrigue selon le point de vue des infiltrés du KGB, en dehors du manichéisme habituel inhérent au genre qui désigne clairement des bons et des méchants. Dans cet épisode, notre identification en tant que spectateur se porterait plus naturellement sur ce couple préfabriqué par le KGB mais à la vie de famille et aux affects afférents bien réels.
Les caractères sont bien ébauchés, heureusement subtils, leurs motivations respectives s'étoffent (on nous fait comprendre assez vite que l'homme et la femme ne sont plus alignés question idéologie), et ils sont servis par des acteurs tout à fait crédibles dans leurs rôles mutuels. On est pas dans James Bond et, bien que le pilote s'ouvre sur un enlèvement mouvementé, ne vous attendez pas à des gadgets et des courses-poursuite spectaculaires à foison. Les surprises hautes en couleurs n'en sont que plus détonantes: voir maman vaquer à la cuisine avec ses enfants pendant que papa dans le garage vérifie les entraves de l'agent du KGB enfermé dans le coffre de sa voiture à quelques pas, c'est assez fun. Le canevas narratif s'apparente donc plus aux livres de Little que de Fleming. La mise en scène est plutôt classique et sans esbrouffe, (les années 80 ne se font pas sentir beaucoup, excepté par un répertoire musical très ponctuel et une voiture d'époque de temps à autre en arrière plan) ce qui n'occulte nullement l'instauration graduelle d'une tension paranoïaque plutôt réussie même si cela affecte la sensation d'immersion historique.
Diffusée sur Fx on trouve à la production de cette série Graham Yost, le scénariste adaptateur de la série "Justified" d'après les livres d'Elmore Leonard; il a également participé comme scénariste à "Band of Brothers". Plutôt un bon signe. Pour résumer une série de qualité et un univers fascinant sans stéréotypes flagrants qui semble vouloir s'établir sans brûler les étapes sur la durée des 13 épisodes prévus pour la première saison. Un bon départ dont les ressorts psychologiques tendus promettent de beaux développements.