Sam (Jude Law), erre déboussolé dans une forêt. Il écoute son iPod, qui passe une chanson pop pour ado, son regard est vide, au bord du nervous breakdown comme on dit dans les Tontons Flingueurs. De l'autre côté d'une rivière, il assiste au suicide d'une jeune fille. Un drame qu'il parvient à empêcher in extremis. Il raccompagne la jeune Epona chez elle, sur l'île d'Osea dont l'accès n'est rendu possible par la route qu'une fois par jour en raison d'une marée capricieuse.
Il découvre sur place les us et coutumes d'une communauté Celtes mystique, à la fois accueillante et flippante en raison de certains non dits évidents. On comprend très vite qu'il n'est pas là par hasard, et que s'il est la proie de récurrents problèmes de mémoire et de désorientations sensorielles c'est pour permettre au réalisateur de faire des effets outranciers : Sam, les pupilles dilatées qui avance à tâtons dans une surexposition constante et voit des trucs bizarres, notamment des apparitions de loin - et très clichés - de son enfant défunt.
Les habitants sont tous inquiétants, et Sam le sait. Il accorde néanmoins sa confiance à tout le monde. Il tombe donc dans tous les pièges possibles (aide de la tenancière qui rabroue constamment son mari, prend du LSD à une fête, alors qu'il a été pourchassé par des hommes masqués 2 putain d'heures avant...), et on a presque envie qu'il dérouille une bonne fois pour toute tant il n'agit pas comme un type qui voudrait faire les choses correctement pour quitter ce bled de fous.
C'est le moment où on pense vaguement au Prisonnier, également condamné à tourner en rond dans une ville mystérieuse au bord de mer, et dont les tentatives d'évasion - bien plus élaborées - se soldent par autant d'échecs. La grosse boule blanche a été remplacée par le personnage de Jess (Catherine Waterson), et si l'on était mauvais esprit, on dirait qu'elle n'a pas beaucoup plus de substance que l'airbag géant qui harcèle #6.
Étant totalement imperméable à la hype Utopia - série non sans qualités, mais qui aurait pu être fantastique au lieu d'être passable et redondante (je te kidnappe, je m'échappe, je te kidnappe à mon tour etc...), je n'attendais pas grand chose de The Third day. La présence d'un casting intéressant (Emily Watson, Paddy Considine, Jude Law) m'obligea à jeter un œil en cette période de disette de série.
Et il n'y a pas grand chose à sauver de ce truc là. Le style tout d'abord concentre pas mal de critiques légitimes. La façon de filmer est vomitive par moment, le mot est fort, mais on pense un peu au Vidocq de Pitof. Ces gros plans de visages qui suintent, sans mise au point. Le confort visuel est évidemment la dernière chose à instaurer dans la tête du réalisateur qui cherche à partager le malaise du personnage principal, plongé dans un cauchemar éveillé, quelque part entre Wickerman et Sheitan (on est plus prêt de Sheitan).
La série cherche un second souffle au 4e épisode avec l'arrivée de nouveaux personnages mais sans le trouver, car l'irruption de cette famille s'apparente à un très long épisode de remplissage. Surtout qu'on comprend bien vite qui elles sont. Et l'obstination de la mère à passer coûte que coûte un séjour dans un bled aussi hostile s'explique facilement (mais dès lors pourquoi venir en "mission de reconnaissance" avec ses enfants ?!). Les derniers épisodes sont sur la même tonalité. Sam disparaît du tableau jusqu'au dernier épisode, et la famille se retrouve au centre d'un demi-survivor mou qui fait bâiller.
J'ai malheureusement l'impression que le projet repose sur l'ambition de surfer sur la mode Midsommar d'Ari Ester. Faire flipper avec des locaux païens racistes qui pensent sincèrement que l'équilibre du monde repose sur leurs épaules.
Et ce n'est pas la pirouette autour de la réincarnation du fils défunt, qui va nous faire crier au génie...
Cela ne sera pas la dernière fiction horrifique qui jouera avec ces thèmes. Le repli sur soi est le truc à la mode à pointer du doigt (parabole du Brexit j'imagine dans le cas de cette production britannique).
Les mécanismes sont usés jusqu'à la corde, et même l'arc narratif autour du deuil d'un enfant et des liens familiaux brisés peine à émouvoir avec cet enrobage vaguement mystico horrifique. The Third day a donc peu de chance rester dans les mémoires.