Saison 1:
Pour tous ceux - et ils sont bien trop nombreux pour la santé de nos démocraties - que la politique et les politiciens dégoûtent, le visionnage de la première saison de "A la Maison Blanche" devrait être obligatoire : Aaron Sorkin - gloire lui soit rendue ! - nous offre la plus belle, la plus excitante, la plus émouvante des réhabilitations d'une fonction, d'un métier, d'un sacerdoce trop souvent réduits à leurs caricatures dans les media ou pire, dans la vision de l'homme de la rue. Ici, l'équipe du remarquable Président Bartlet - le meilleur "POTUS" dont on puisse rêver, qu'on soit Américain ou non (et du coup le meilleur rôle de Martin Sheen) -, affronte des défis et des dilemmes politiques, moraux, éthiques, juridiques, très techniques souvent (ce qui pourrait être fastidieux mais s'avère électrisant, grâce à la dynamique de la mise en scène, constamment inventive lorsqu'il s'agit de filmer des dialogues complexes sans nous perdre), dont la résolution grandira la démocratie, mais aussi l'idée qu'on s'en fait. "A la Maison Blanche" est une série "hawksienne" - des hommes et des femmes au travail, filmés à toute allure, c'est l'héritage de Hawks, me semble-t-il ? -, rendue explosive par une idée parfaitement géniale de Sorkin : le fameux "walk and talk", ces conversations, souvent hilarantes, débitées à la mitraillette comme dans la screwball comedy de Hawks donc, mais EN MARCHANT à toute allure entre les bureaux et dans les couloirs de la Maison Blanche. Et les scénarios tordus de Sorkin, nourris de conflits et de débats sociétaux réels (Inde et Pakistan, Irak, contrôle des armes, droit des gays, traitement des drogués, etc.), justifient une approche pédagogique souvent remarquable ("qu'est-ce qu'une décision politique et comment la prend-on au sommet de l'état?"), et offrent au téléspectateur ébloui, épuisé et rendu éperdument amoureux de l'intelligence de ces personnages - finalement assez inhabituels dans la fiction -, de véritables petites épiphanies : même si l'on peut trouver cela idéaliste, le moment où Bartlet et son équipe décident, par exemple, d'abandonner les petites tractations mesquines et décevantes avec leurs adversaires Républicains, pour enfin parler d'une voix claire au peuple qu'ils "servent", illustre magnifiquement les espoirs que porte la démocratie et son système électoral tant décrié. Pour cela et tant d'autres choses encore, "A la Maison Blanche" mérite tous les éloges.
PS : Et oui, il y a un cliffhanger fumant à la fin de la saison ! [Critique écrite en 2016]
Saison 2 :
Après le raz de marée intellectuel et émotionnel provoqué en moi par la découverte tardive de la première saison de "The West Wing", je sentais, je craignais la désillusion devant accompagner une seconde saison qui poursuivait directement dans l'élan de la première la chronique du premier mandat (imaginaire, mais combien de fois le regrette-t-on en suivant en parallèle la campagne présidentielle US de 2016 !) du Président Bartlet. Et de fait, après un démarrage en fanfare dans "l'aftermath" de l'attentat qui concluait la première saison, on a l'impression que Sorkin et son équipe marquent un peu le pas, répétant des épisodes construits sur un modèle unique, vaguement routinier... jusqu'à ce qu'on réalise que le travail politique que "les Hommes du Président" mènent est justement un combat quotidien contre la routine qui érode peu à peu les convictions, la foi et l'enthousiasme. Certains épisodes restent toutefois excessivement austères, certains frôlent l'incompréhensible malgré tous nos efforts. Pire, l'abandon pur et simple de certains personnages en cours de saison (quid de la fille de Bartlet et de sa liaison avec Charlie ? Quid de la prostituée dont Sam est devenu l'ami ?) prouve que, même avec le talent de Sorkin, il est difficile de jongler avec autant de balles... Nous mêmes commençons à nous sentir irrités par certains personnages (Josh et sa rom com qui ne démarre jamais avec son assistante, Toby qui semble de plus en plus morose)... ce qui est finalement la preuve que nous avons désormais pris notre place "A la Maison Blanche", que nous ne sommes plus des touristes ébahis par le Bureau Ovale, mais des familiers des déroutes quotidiennes et de l'usure du pouvoir. Jusqu'à l'arc narratif final, littéralement époustouflant, qui introduit la FAUTE au sein de ce qui nous semblait une équipe politique "idéale" : culpabilité, honte, déception, désespoir même deviennent les sentiments dominants, jusqu'à un dernier épisode d'une puissance peu commune, remarquablement mis en scène (même si l'on peut objecter à Dire Straits, à mon avis...), qui rétablit totalement notre foi en la série. [ Critique écrite en 2016]