Rarement ai-je été aussi emballée par le premier épisode d’une mini-série pour avoir le sentiment de la subir dès le deuxième.
En Angleterre, la police enfonce la porte d’un domicile familial et arrête Jamie Miller, 13 ans, suspecté de meurtre. Il est emmené au poste de police pour être interrogé, sa famille sous le choc sur les talons. Faisant le choix d'une réalisation en plan-séquence, Adolescence nous met au côté des personnages à chaque instant de cette procédure. Et le pari est réussi. L’ambiance du commissariat est presque étouffante. On s’accroche à chaque miette d'information qui nous est donnée, et aux expressions de ce gamin qui inspire autant la pitié que le doute. Alors coupable ? Non coupable ?
Les acteurs sont solides, Stephen Graham en tête. Le jeune Owen Cooper signe de son côté une très bonne première performance à l’écran, on ne peut que lui souhaiter une excellente carrière.
Et c’est malheureusement le seul compliment qui s’applique aussi aux épisodes suivants.
Dès l’épisode 2, toute cette tension retombe comme un soufflé. Les dialogues sonnent de plus en plus creux. Les interactions entre les personnages au sujet de l’enquête deviennent répétitives, certaines donnant même l’impression de n’avoir été casées là que pour faire grimper le durée de l’épisode. Et Dieu qu’est-ce qu’on la ressent.
Même la réalisation en plan-séquence finit par agacer. Alors oui, on peut saluer la performance technique. Mais à part pour le premier épisode, quel intérêt ? A-t-on besoin de suivre la famille faire ses courses pendant 50 minutes pour savoir que ce n’est pas rose tous les jours pour eux ?
Le fond n'est pas meilleur. Décidés a trouver les raisons de l’épidémie d’agressions au couteau qui sévit au Royaume-Uni, Stephan Graham et Thorne s’attaquent a la manosphère, ces forums masculins cloisonnés où la frustration d’être rejeté par le sexe opposé y est nourrie, parfois jusqu’à la haine. Tu sens que le sujet leur tient à coeur.
Le problème? Ils se placent à l’extrême opposé tout aussi crétin de ce débat : celui où tout ce qui est masculin est toxique. Vous avez déjà cassé un meuble en vous énervant dessus après une sale journée ? Faites bien attention car entre ça et poignarder votre camarade de classe, il n’y a qu’un pas. En tout cas d’après la série.
A ce titre, l’épisode 3 avec la psy ressemble moins à une tentative sincère de comprendre ces ados paumés cherchant des repères discutables sur le web, et plus à une lobotomie où chaque sentiment de frustration ou de colère qu’ils peuvent ressentir est diabolisé.
Du moins, les garçons. On ne s’attardera en revanche pas sur la collégienne qui tabasse le camarade qu’elle pense lié à la mort de son amie (je ne lui jette pas la pierre - je pointe l’hypocrisie de la série).
La palme revient à l’épisode 4 où les scénaristes vont juste assoir les parents dans une pièce pour leur faire dire les messages qu’ils veulent faire passer. Et à ce stade, seul le jeu d’acteur différencie encore Adolescence d’un spot d’info.gouv. « Oh mon dieu les réseaux sociaux ». « Oh mon dieu les vilains masculinistes en ligne, comment nous en protéger ? » Le père se demande même s’il n’a pas une part de responsabilité dans le rapport de son fils à la violence, lui qui a osé *regarde ses notes* malmener le jeune qui a harcelé sa famille et vandalisé son seul moyen de travailler. Le psychopathe.
Adolescence avait tout pour être passionnante. A la place, c’est une mini-série noyée dans ses bonnes intentions, utilisant sa performance technique comme cache misère.
En tant que série à message, c’est est lourdingue et parfois aussi malveillant que l’idéologie qu’elle veut combattre.
En tant que divertissement, je me suis bien emmerdée en ce qui me concerne.
Arrêtez-vous au premier épisode, honnêtement. Quitte à partir sur cliffhanger.
Edit : je viens d’apprendre qu’il s’agit de l’affaire criminelle qui a inspiré la série:
https://www.bbc.com/news/articles/ckg8ly1wr8ro.amp
Euuuuh...