Cela démarre très fort. Le choix a été fait d'un fort décalage entre la ligne peu détaillée des personnages et la richesse minutieuse des décors. Parfois, les images de la Nature, les panneaux de signalisation ou les arrière-plans cèdent la place à du film, par exemple le gros plan sur le flot de la rivière dans l'épisode puis juste après le décor dans lequel se trouvent Nakamura et Kasuga, et là j'apprécie moins, mais sinon c'est une esthétique remarquable. Peu détaillés, surtout de loin, les dessins des personnages semblent repasser des images d'acteurs réels. Les personnages font contraste avec le décor car ils sont dessinés, mais en comparaison des autres animés ils sont réalistes avec une présence marquée du morphotype japonais. On a la magnifique expression du poids des épaules, les démarches avec toutes les indescriptibles oscillations molles du corps à tous les niveaux, les mouvements flasques du ventre et des jambes quand ils marchent. Dans les premières images, on les clignements des yeux, une variation de l'écartement de la pupille, etc., en quelques secondes sur le visage du personnage principal qui ne fait que marcher. La technique permet de souligner les sourires, en particulier les bouches de Saeki et Nakamura. On a parfois des regards puissants. Très beau regard dans le premier épisode du héros qui a le regard profond par-delà la fenêtre de la classe, et puis le regard froid et fixe de Nakamura sur Takao Kasuga quand il se retourne de son pupitre pour voir ce qu'elle pense au moment où il faut songer à se dénoncer. Il y a vraiment des choses impressionnantes que nous n'avons pas ailleurs. L'histoire tient aussi fortement bien la route le temps d'un épisode et demi, même si on a un petit sentiment d'alerte au sujet du personnage principal Kasuga.
Quand il s'enfuit en abandonnant son vélo, on a droit soudain à une accélération de la course, un peu comme dans les films où on peut découper la continuité d'une trajectoire en la tronçonnant, en en enlevant des parties. Là, je me suis dit spontanément : "Tiens ! je dirais que c'est à la fois bien et mal fait!" Le côté décalé avait son efficacité, mais quelque chose me chiffonnait quand même.
Dès le deuxième épisode, je n'arrive pas à entrer dans le délire machiavélique, certes un lycéen peut se créer des problèmes métaphysiques d'un rien, mais là le scénario ne tient qu'à un cheveu. Le personnage se laisse manipuler. Perdu pour perdu, il a l'embarras du choix, il peut aller se dénoncer aux professeurs après les cours, il peut aller voir frontalement celle à qui il a pris ses vêtements de gym, les remettre là où il les a pris. Il ne fait rien de tout ça, nada ! Il se laisse couler, tandis qu'on a droit à un discours intimidant sur la perversité du crime qui moi ne me convainc pas deux secondes. Peut-être qu'au Japon le fétichisme des vêtements a une signification de fou furieux !? Mais, franchement, il faut arrêter avec l'invitation à rêver que la situation était insurmontable. Le sommet est atteint quand il laisse la manipulatrice le déshabiller et lui enfiler les vêtements de fille qu'il a volés. Il y a des limites à tout. Même si ce garçon doit s'avérer plus faible physiquement que son assaillante, la scène est invraisemblable ou suppose son abandon complaisant. A partir de là, l'animé pour moi il est grillé. Je mets 5/10 pour le mérite artistique, l'ambiance, le générique de fin exceptionnel avec la fille à la voix satanique incantatoire qui comme bégaie des syllabes, la fleur noire qui ouvre un oeil, la tache noire sous le pupitre de Kasuga qui s'étend comme de l'encre et devient un gouffre. En revanche, le lien étroit aux Fleurs du Mal de Baudelaire, le problème, c'est que s'il y est bien effectivement, avec Nakamura ou par le déploiement lent et lourd de l'histoire, ce n'est pas au plan du héros principal qu'on peut le trouver. Là, il y a un truc où mon cerveau s'arrête de tourner, je ne pige pas. Après le troisième épisode, ça n'ira pas en s'arrangeant. Les erreurs du héros principal tiennent trop à des accommodations artificielle plaquées pour avoir les moments pathétiques escomptés.