Nouveau produit de la boulimie de Science-Fiction de la maison Netflix, "Altered Carbon" est une série qui intrigue par l'ambition de son thème central : l'immortalité par le remplacement du corps, et son impact sur la psyché et sur la société - on peut d'ailleurs penser à l'oublié "Zardoz" de Boorman...
Il est indéniable que le traitement assez poussé du concept d’interchangeabilité des corps donne lieu à nombre de scènes intéressantes, troublant intelligemment les notions d’âge et de sexe (ce micro-récit réellement stimulant d’une mère revenant à sa famille en tant qu’homme et de la cellule familiale se reconstituant dans cette nouvelle configuration…), et créant ça et là un vertige existentiel que "Altered Carbon" aurait pu – aurait dû – plus creuser. On appréciera également la "critique sociale", anti-capitaliste pourrions-nous dire, montrant que dans ce monde de demain, le pouvoir absolu de l’argent est encore monté d’un cran, les "riches" vivant dans les nuages au-dessus de la populace grouillant dans un univers sombre et pollué (reprenant malheureusement une fois encore les codes esthétiques du "Blade Runner" de Ridley Scott) étant désormais traités à l’égal de dieux…
Mais c'est aussi une nouvelle semi-déception puisque la réflexion se dilue trop fréquemment dans l'abondance de scènes d'action bruyantes et décérébrées (certains ont pointé avec justesse un improbable retour à l'action movie des 80's), et surtout dans un exhibitionnisme tant gore que sexuel, gratuit et puéril.
Si l’on aimera la métamorphose, dans la dernière partie, d’une intrigue de thriller vraiment trop confuse en une sorte de "tragédie grecque" – la famille étant ici clairement le lieu de toutes les passions et des pires trahisons -, on ne pourra que déplorer que, au milieu de cette galerie stéréotypées de beaux gosses (et belles filles) et de monstres, le personnage le plus touchant et le plus mémorable soit finalement une Intelligence Artificielle nommée Edgar Allan Poe, manager (et plus…) de l’hôtel "The Raven" ! C’est la plus belle idée d’un scénario qui n’en manque pas, mais qui choisit trop souvent la voie de la plus grande facilité pour satisfaire les plus bas instincts du téléspectateur…
[Critique écrite en 2018]
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