Tout semblait sourire à James Whitehouse, ministre de l'Intérieur anglais, mais la révélation d'une liaison extraconjugale avec une de ses proches assistantes par les tabloïds vient sévèrement entacher sa réputation d'homme politique modèle. Alors qu'il tente de juguler le scandale auprès de son épouse bouleversée et de son ami le Premier Ministre, l'affaire prend une tournure bien plus glauque lorsque son ancienne maîtresse l'accuse publiquement de l'avoir violé après leur rupture...
Un politicien de la classe aisée désigné comme un prédateur, une épouse bafouée mais combative et une procureure de la Couronne implacable, voilà en gros le trio de protagonistes auquel va s'attacher "Anatomie d'un scandale" dans ce qui apparaît comme un thriller judiciaire autour de la notion de consentement en confrontant les versions accusation/défense tout en s'attardant sur l'onde de choc que peut provoquer une telle plainte dans l'intimité du cercle familial des Whitehouse.
Le duo David E. Kelley/Melissa James Gibson à la production et à l'écriture , SJ Clarkson à la réalisation, c'est une équipe chevronnée du monde des séries TV qui s'attèlent donc à l'adaptation du roman de Sarah Vaughan, le talent du premier, ex-avocat, en termes de scènes de prétoire va évidemment encore faire des merveilles au sein ici du décorum figé d'un système judiciaire anglais abordé avec réalisme.
Par l'intensité qui en émane et la qualité de l'interprétation, c'est d'ailleurs bien les différentes phases de ce procès houleux qui vont être le premier moteur d'une série qui peine à se départir d'un certain classicisme tant ses thématiques très actuelles ont déjà été maintes fois explorées sous toutes les coutures ces dernières années. Seule peut-être la réalisation semble s'essayer à quelques innovations mais celles-ci ne se montrent pas franchement convaincantes entre le choc vécu par ses personnages et matérialisé à l'image à la fin des premiers épisodes (l'effet est assez ridicule) ou ses flashbacks filmés par l'intermédiaire d'un inutile rendu fish-eye, la mise en scène est en réalité bien plus convaincante dans sa manière d'intégrer dans le huis-clos du procès des liaisons à des événements extérieurs ou pour y saisir toute la puissance d'un interrogatoire.
Bref, elle a beau être menée correctement dans l'ensemble, "Anatomie d'un scandale" a un gros problème pour se démarquer de la masse des autres créations surfant sur les affaires issues du mouvement MeToo.
Mais, surprise, la série a gardé en réserve un énorme rebondissement dans sa boîte à malice scénaristique ! Certes, celui-ci devient très prévisible dès le troisième épisode (disons que certains éléments ne sont pas là par hasard avec un peu de jugeote et d'habitude) mais il a le mérite de bien redistribuer les cartes dès sa révélation dans le quatrième pour renouveler la tension de la série tout autant en termes de suspense fébrile au sein de la salle d'audience qu'à un niveau plus émotionnel pour ses personnages encore plus à fleur de peau. En déplaçant le curseur des conséquences de cette affaire judiciaire vers des extrémités insoupçonnées, "Anatomie d'un scandale" a le mérite de s'offrir une toute nouvelle dynamique à mi-parcours et d'étoffer de belle manière quelques-uns de ses personnages, notamment féminins, dans l'adversité (Sienna Miller et Michelle Dockery sont formidables).
Pour autant, ce revirement est aussi à double tranchant car il semble tellement invraisemblable qu'il ôte une bonne part de ce qui faisait le crédibilité de "Anatomie d'un scandale" pour l'enfermer dans un canevas qui emprunte désormais plus aux ficelles d'un saop qu'au réalisme judiciaire du scandale de ses débuts. Certes, la série essaie tant bien que mal de répercuter les conséquences de son twist à la douleur bien réelle des victimes de ce genre d'affaire mais l'énormité de la situation handicape désormais clairement le pont vers la réalité qu'elle voudrait maintenir.
Heureusement, "Anatomie d'un scandale" continuera de privilégier l'efficacité de ses moments de tension sur son terrain de jeu ainsi redessiné et ses pions qui y évoluent pour un plaisir franc et instantané mais qui ne nous marquera peut-être pas autant que souhaité au-delà de la durée de ses six épisodes. L'anatomie de ce scandale aura révélé une facette se voulant maligne mais qui aura peut-être finalement joué tout autant pour que contre elle.