Anna
6.8
Anna

Série Arte, Sky Atlantic (IT) (2021)

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Sortie en 2021, Anna est une mini-série italo-française produite par Arte et Sky Atlantic (Italie), adaptée du roman éponyme de Niccolò Ammaniti, qui en est également le réalisateur. La série se déroule dans un monde post-apocalyptique où une mystérieuse épidémie, surnommée "La Rouge", a décimé tous les adultes, laissant une génération d’enfants livrés à eux-mêmes. Au cœur de ce chaos, Anna, une jeune fille courageuse et déterminée, part à la recherche de son petit frère, Astor, enlevé par une bande d'enfants sauvages. La série plonge dans un univers à la fois poétique et sombre, explorant les thèmes de la survie, de la perte de l'innocence et de la résilience face à l'effondrement de la civilisation.


Anna est une œuvre captivante qui mélange habilement les éléments de la dystopie avec une réflexion poignante sur l'enfance et la survie. La série se distingue par sa direction artistique remarquable, ses performances d'acteurs mémorables et sa capacité à créer une atmosphère à la fois dévastée et empreinte de beauté. Si certains aspects narratifs peuvent sembler répétitifs et certains personnages un peu sous-développés, Anna parvient tout de même à captiver le spectateur du début à la fin grâce à son esthétique unique et sa narration chargée d'émotion.


L'un des éléments les plus frappants de Anna est la manière dont la série dépeint un monde post-apocalyptique à travers les yeux des enfants. Ce n'est pas un monde brutalement violent à la manière des œuvres comme Mad Max ou The Walking Dead, mais plutôt un univers où l’innocence des enfants est pervertie par l’absence de règles et de figures parentales. La Rouge, une maladie mystérieuse qui tue tous les adultes, laisse derrière elle une société en ruines, où les enfants doivent réapprendre à survivre par leurs propres moyens.


La Sicile dépeinte dans Anna est à la fois belle et dévastée. Les paysages abandonnés, les villes désertes et la nature qui reprend lentement ses droits créent une ambiance unique, à la fois mélancolique et saisissante. La direction artistique, portée par des choix visuels forts, fait de chaque plan un tableau en soi. La série utilise cette toile de fond pour juxtaposer la beauté de la nature avec la décadence de la civilisation humaine, créant un contraste puissant qui accentue l'atmosphère dystopique.


Les décors désolés ne sont pas seulement un lieu de survie ; ils deviennent des terrains de jeu déformés où les enfants recréent des versions grotesques des sociétés adultes qu'ils ont perdues. Par exemple, la "Reine" Angelica, chef d’un gang d’enfants sauvages, instaure un règne de terreur empreint d'une forme d'innocence pervertie, où les jeux et rituels d'enfants prennent des proportions cauchemardesques. Ce monde où les règles sont façonnées par les enfants eux-mêmes devient à la fois fascinant et terrifiant, et la série utilise cette dynamique pour interroger la fragilité de l’ordre social.


Le personnage central de la série, Anna, est incarnée avec une grande sensibilité par Giulia Dragotto. Dès le premier épisode, on s'attache à cette jeune fille forte et déterminée, qui tente de protéger son petit frère Astor tout en affrontant les dangers de ce monde sans adultes. Anna est une survivante, marquée par la perte de sa mère, mais guidée par un carnet de conseils que cette dernière lui a laissé avant de succomber à la maladie. Ce carnet devient à la fois un manuel de survie et un rappel constant de l'amour maternel, offrant à Anna une forme de soutien psychologique dans ce monde sans repères.


Giulia Dragotto parvient à incarner à la fois la vulnérabilité et la force de son personnage. Anna est courageuse, prête à tout pour sauver son frère, mais elle reste une enfant, hantée par des souvenirs et des peurs qu’elle doit affronter seule. Son évolution au fil de la série, passant d'une jeune fille en quête de son frère à une véritable leader, est l'un des arcs narratifs les plus réussis de la série. Dragotto livre une performance authentique, où chaque geste, chaque regard témoigne du poids immense qu’Anna doit porter sur ses épaules.


Le personnage d’Astor, joué par Alessandro Pecorella, est tout aussi attachant. En tant que plus jeune enfant, il incarne l’innocence pure, contrastant avec la maturité forcée de sa sœur. Leur relation fraternelle est au cœur de la série, et c’est cette dynamique qui donne à Anna sa charge émotionnelle la plus puissante. Anna n'est pas seulement en quête de survie, elle est motivée par un amour inconditionnel pour son frère, ce qui confère à la série une dimension émotionnelle universelle.


L’un des thèmes centraux de Anna est la question de l’enfance dans un monde où les adultes ont disparu. Comment les enfants, privés de repères, peuvent-ils construire une société, des règles, et survivre dans un environnement hostile ? La série explore avec subtilité la manière dont les enfants réagissent face à la perte de leurs parents et à la dégradation de leur environnement.


Dans cet univers sans adultes, les enfants recréent des systèmes de pouvoir et de domination, souvent en imitant les comportements qu’ils ont observés chez les adultes. Mais ces imitations prennent des tournures grotesques et dangereuses, car elles sont façonnées par des esprits encore en développement, incapables de comprendre pleinement les conséquences de leurs actes. L’exemple le plus marquant de cette perversion est Angelica, la jeune fille autoproclamée "Reine", qui règne sur son gang avec une cruauté presque sadique. Sa domination violente sur les autres enfants et son culte de la beauté révèlent comment le pouvoir et la violence peuvent être intériorisés même chez les plus jeunes.


Anna, de son côté, incarne une forme de résistance à cette déshumanisation. Sa quête pour retrouver et protéger son frère est un rappel constant de son humanité, et elle lutte pour préserver une part d’innocence dans un monde qui cherche à la lui arracher. La série pose ainsi une question fondamentale : peut-on préserver l’innocence dans un monde dévasté par la barbarie ? Anna ne fournit pas de réponse claire, mais elle explore cette question à travers les épreuves et les dilemmes moraux auxquels sont confrontés ses personnages.


Visuellement, Anna est une série à couper le souffle. Les vastes paysages siciliens, filmés avec une précision et une beauté contemplative, offrent un contraste saisissant avec la violence et le chaos qui règnent dans le monde des enfants. La série accorde une grande importance à l'esthétique, avec des plans qui capturent à la fois la beauté naturelle et la dévastation humaine. Ce soin apporté à la réalisation permet de renforcer l'immersion du spectateur dans cet univers à la fois apocalyptique et poétique.


La bande-son, qui oscille entre des morceaux atmosphériques et des silences pesants, ajoute une couche supplémentaire d’émotion à la série. Les moments de calme sont tout aussi puissants que les scènes d’action, et Jenkins parvient à créer une tension subtile même dans les instants les plus introspectifs. Ces moments de pause permettent au spectateur de s'immerger pleinement dans la psyché des personnages, notamment d'Anna, et d'appréhender l'ampleur de la perte qu'ils ont subie.


Cependant, cette approche contemplative peut aussi être perçue comme un défaut par certains spectateurs. Le rythme de la série, parfois lent et méditatif, pourrait décourager ceux qui attendent une action plus soutenue ou des rebondissements constants. Mais pour ceux qui apprécient une approche plus introspective et immersive, Anna offre une expérience riche en émotions et en réflexions.


Bien que Anna soit une série captivante, elle n’est pas exempte de défauts. L’une des critiques qui peut être faite concerne la structure narrative qui, par moments, devient répétitive. Les différentes étapes du voyage d’Anna à travers la Sicile post-apocalyptique suivent un schéma parfois prévisible, avec des rencontres qui se ressemblent dans leur dynamique : un nouvel obstacle, une nouvelle menace, une résolution. Si certaines de ces rencontres sont marquantes, d'autres semblent moins bien développées ou apportent peu à l'intrigue principale.


De plus, certains personnages secondaires, bien que prometteurs, n’ont pas toujours l'espace nécessaire pour se développer pleinement. Par exemple, les motivations d’Angelica, la reine sadique, auraient pu être explorées davantage pour comprendre comment elle en est arrivée à exercer une telle domination sur les autres enfants. De même, les adultes, bien que peu présents, sont relégués à l’arrière-plan, laissant certaines questions sans réponse.


Anna est une série post-apocalyptique qui réussit à se distinguer grâce à son approche poétique et visuellement saisissante. Ancrée dans un monde dévasté par une épidémie, la série explore avec sensibilité les thèmes de l’enfance, de la perte et de la survie, tout en offrant une réflexion sur la manière dont les enfants réagissent face à l’absence des adultes.


Malgré quelques répétitions narratives et un rythme parfois lent, Anna parvient à captiver le spectateur grâce à son atmosphère immersive, ses personnages attachants et sa capacité à trouver de la beauté même dans la dévastation. Cette série italo-française est une œuvre émotive et percutante qui marquera les amateurs de dystopie et de récits introspectifs, tout en laissant une impression durable sur ceux qui se laisseront emporter par son univers unique.

CinephageAiguise
8

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il y a 10 heures

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