AnoHana est un animé tire-larmes, c’est un fait. Tout concourt à rendre la disparition finale de Menma la plus triste possible. Et pourtant, aussi frustrante et cousue de fil blanc qu’elle puisse être, la série fait mouche.
Les personnages, anciens amis d’enfance pris dans un polygone amoureux des plus rebattus, finissent par devenir attachants ; leurs défauts, allant de l’égoïsme à la stupidité et qui dans un premier temps agacent, sont mis au service d’une écriture juste. Si la série n’innove en rien du point de vue de l’animation, les dessins soignés, les couleurs douces, et les plans pourtant assez semblables – l’espace étant circonscrit à la ville, la base secrète et ses alentours – recréent fidèlement la banalité de ces tranches de vie où l’intrigue se noue lentement.
Rendue du point de vue de Jinta, l’histoire traite principalement du deuil : celui que des enfants, encore incapables de rationaliser la mort soudaine de leur amie, n’étaient parvenus à faire. Celui qui rouvre les blessures mais rapproche, des années plus tard et parfois à leur corps défendant, les cinq amis toujours hantés par cette disparition.
C’est d’ailleurs dans ce contexte que le surnaturel se justifie et est brillamment utilisé. Le spectateur, puis plus tard dans la série les personnages eux-mêmes, savent que Menma va disparaître – qu’elle doit disparaître. Son retour, le temps d’un été, permet aux adolescents d’expier les fautes qu’ils sont persuadés avoir commises enfants, de communiquer avec leur amie une dernière fois, de s’excuser auprès d’elle.
Au-delà de la perte d’un personnage auquel le spectateur s’est attaché et que personne n’avait envie de voir partir, si la fin est si belle, au point même d’arracher (plus d’) une larme, c’est parce qu’elle agit comme une catharsis. Quand Menma, qui a gardé la crédulité et l’innocence de l’enfant qu’elle est toujours, pardonne à ses amis et leur dit qu’elle les aime, leur douleur et leur culpabilité s’en retrouvent apaisées ; quand elle s’évanouit enfin, aux premières lueurs du jour, leur deuil est accompli. La morale de cet animé trouverait un beau résumé dans l’aphorisme de Par-delà bien et mal où Nietzsche écrivait qu’il « faut quitter la vie comme Ulysse quitte Nausicaa : avec reconnaissance mais non amoureux d’elle ». Remplacez « vie » par Menma…
Car oui, les larmes des personnages, à la fin, sont autant des larmes de tristesse que de reconnaissance voire de joie ; celle d’avoir pu revoir une ultime fois leur précieuse amie et lui dire, en bonne et due forme, adieu. C’est là toute la magie et toute la force de la fiction, dans laquelle on peut pleurer un mort en lui redonnant momentanément la vie. Et quand, devant une fin si belle, on se retrouve malgré soi à verser une larme, c’est autant lanciné par le départ de Menma qu’heureux pour ces personnages endeuillés qui ont pu, finalement, panser leurs blessures.