On fait souvent aux cinéphiles un procès que l’on ne ferait pas aux amateurs de bon vin.
« Comment peux-tu dire du mal d’un livre ou d’un film que tu n’as pas lu ? » Il ne viendrait pourtant à personne l’idée de vous reprocher de préférer un Montrachet ou un Mouton Rothschild à un Cubi de Rouge.*
C’est la même chose – exactement la même chose – pour le cinéphile : un simple coup d’œil à l’étiquette suffit à distinguer le grand cru de la piquette.
Certes, tout le monde peut se tromper. Mais on peut – sans trop de risques – affirmer que Supercondriaque ne viendra pas révolutionner la comédie à la française tandis que The Grand Budapest Hotel a de grandes chances d’être un peu plus plus long en bouche.
Ça, ce n’est pas de l’intellectualisme mal placé, c’est juste l’expérience qui parle.
Voilà pourquoi je ne veux pas regarder Apocalypse. Je sais déjà ce que je vais voir, et je sais aussi que ça ne va pas me plaire : des images d’époques sorties de leur contexte (pour la plupart, des films de propagande), des commentaires actuels plaqués artificiellement sur des mentalités passées, sur le patriotisme par exemple**. Des officiers bouchers de leurs troupes***. Des généraux incompétents. Des peuples entraînés, contre leur volonté, dans la guerre****.
Etc. Etc. Etc.
Ces inepties en fait ne résistent pas un minimum de lecture sur le sujet. Toutes ces historiettes font partie de notre mythologie nationale, au même titre que « nos ancêtres les gaulois« , et ne sont que l’expression de nos mentalités actuelles.
PS : Tout arrive : Le Figaro pense comme moi.
- Le Professore n’a jamais bu une goutte de vin de sa vie. Ça se voit ? Il serait bien incapable de faire la différence. Mais vous, si.
** Lire les lettres de Céline à son père au mois d’août 14 et les comparer au Voyage au Bout de la Nuit. Lire Jünger, lire Genevoix.
* 22% des officiers français sont morts au combat, pour 18% des soldats
** Le 2 août 1914, une gigantesque manifestation pacifiste est organisée à Londres. Mais le 4 août, l’Angleterre entre en guerre et les manifestations s’arrêtent. D’août à décembre, 1 million de volontaires s’engagent dans l’armée (Il n’y a pas de conscription en Angleterre). Mieux, c’est au au moment où les batailles sont les plus sanglantes, qu’il y a de le plus volontaires.