Ah, la Galice ! Une province espagnole bien arrosée et donc verdoyante, offrant des paysages qui sont parmi les plus beaux de la péninsule ibérique, mais aussi l’une des meilleures gastronomies… sans même parler d’un idiome local particulièrement savoureux, presque équidistant entre portugais (le Portugal est juste à côté) et castillan. La Galice mérite une visite, un séjour même, et aussi certainement une série TV à sa hauteur (on remarquera quand même que la Galice a été régulièrement filmée par Almodóvar, qui n’est pourtant pas du coin…).
Ce ne sera malheureusement pas "Après toi, le chaos", la mini-série Netflix de Carlos Montero – scénariste de la fameuse "Elite" – qui rendra honneur à la Galice, malgré quelques plans de paysages grandioses ça et là. Et le problème n’est pas que "Après toi, le Chaos" nous dépeigne la vie dans une petite ville (imaginaire) de Galice, corrompue jusqu’à la moelle, où règnent en maîtres les arrangements les plus sordides, sans même parler de consommation de drogue, d’alcool, de médicaments, ou de déviations sexuelles ! Après tout, pourquoi est-ce que les perversions et la décadence contemporaines seraient-elles réservées aux habitants des grandes cités ?
Non, le problème est bien plutôt la médiocrité de cette mini-série, qui est bien loin de ce que l’Espagne nous offre régulièrement – pas loin du meilleur – dans le genre : le livre de Montero ayant servi de point de départ a pourtant une bonne réputation (il a reçu le prix Primavera en 2016), mais il est difficile d’y croire quand on voit la maladresse du scénario de Après toi, le chaos. Tout ça commence d’ailleurs plutôt bien, avec une histoire intéressante de deux professeures de littérature (la troublante Viruca et la fragile Raquel) dans une même petite ville de Galice, confrontées à des situations similaires, aussi bien avec leurs étudiants qu’avec un certain nombre de personnalités-clé de la ville… Le récit, mélangeant deux temporalités différentes de manière plutôt astucieuse, délivre au cours des trois premiers épisodes son lot de situations intrigantes, en bon thriller qu’on pourrait presque qualifier, si l’on était en France, de « chabrolien » : relations amoureuses et sexuelles flirtant avec la perversion, arrogance de la petite bourgeoisie du coin, corruption politique, réapparition de crimes et délits passés et enfouis par l’omerta locale… rien de surprenant, mais indiscutablement une matière solide pour réussir un joli thriller « provincial ».
Et puis, petit à petit, on doit admettre que la série se délite littéralement sous nos yeux. Les deux actrices, Inma Cuesta et Bárbara Lennie, que l’on trouvait initialement plutôt bien « castées », semblent tourner en rond dans leurs personnages qui répètent les mêmes erreurs au sein d’une intrigue qui n’avance plus : c’est certes là le défaut de nombre de séries TV, on le sait désormais, et on est familier du classique « ventre mou » des épisodes intermédiaires, après le début accrocheur et avant un final conçu pour laisser un souvenir excitant de la série. Mais, dans le cas de "Après toi, le chaos", on explose tous les compteurs en termes d’irritation produite : la série cumule trois défauts majeurs en même temps, qui s’avère fatals. L’argument initial du « harcèlement digital » est justifié de manière absurde, qui décrédibilise tout ce qu’on a regardé jusque-là ; l’action n’avance plus, sans que « l’atmosphère » générale soit assez prenante pour sauver le téléspectateur de l’ennui ; les personnages sont devenus uniformément inintéressants, voire antipathiques, et les efforts de certains des acteurs pour surjouer dans des situations sans intérêt ou redondantes finissent par achever le reste d’empathie qu’on pouvait encore ressentir. Il est également triste que le script ne sache pas mieux travailler ce qui aurait pu être le vrai sujet de la série, les tensions sociales dans une région où les écarts se creusent entre les nantis et une majorité de la population, sans emploi : l’évoquer au détour d’une conversation ne suffit pas à le traiter, et engendre encore plus de frustration…
Lorsqu’on en est arrivé à ce stade, où l’on ne croit plus à ce que l’on nous raconte, lorsqu’on trouve les personnages absurdes et irritants, et lorsque tous les acteurs nous paraissent pathétiques, il vaut sans doute mieux abandonner la série. Si, pour quelque raison que ce soit, on décide de terminer le voyage, on constatera que la conclusion de cette sombre histoire n’arrange rien, et confirme les faiblesses d’écriture constatées jusque-là : l’enchaînement de comportements incohérents, de situations peu crédibles et d’explications peu convaincantes fait qu’on continue à souffrir jusqu’aux dernières minutes d’un huitième épisode qui s’apparente surtout à la fin d’un long calvaire.
Conclusion : lorsque l’on sortira de la situation pandémique actuelle, allez passer une semaine de vacances en Galice. Et ne perdez pas votre temps devant "Après toi, le Chaos".
[Critique écrite en 2021]