La série Archer, en plus d'être particulièrement drôle et de proposer des personnages hauts en couleur et complètement excentriques, est un objet singulier, intéressant, à plus d'un titre. Je propose ci-dessous deux grilles de lecture possibles :
Philosophie analytique
La réplique récurrente "Prasing?", que l'on pourrait traduire par "Qu'entends-tu ainsi ?", de notre héros permet de souligner l'équivocité de nombreuses phrases du langage courant et amorce une véritable réflexion sur le sens ou le non-sens que prend un énoncé délivré de son contexte. Il me semble que l'on très proche de la question du "Meinung" (vouloir dire, entendre par, comprendre comme, avoir en tête, ...) développé par Wittgenstein dans ses Recherches Philosophiques.
Pour Archer, la compréhension de la mission qui lui est attribuée - il ne lit jamais les instructions données - pose à chaque épisode la question de l'application de l'ordre. Lana, exacerbée par le comportement de son partenaire, toujours trop sûr de lui, bouillonne "Qu'il le sait reste encore à montrer." (§14, De la certitude, L. Wittgenstein). Et pourtant, bien qu'Archer ne suive jamais la consigne, il écarte la plupart du temps par ses propres méthodes (légèrement Shadok) le problème que cherchait à résoudre celle-ci. Il montre ainsi, tel Alexandre coupant le nœud Gordien, que certains problèmes sont en fait de faux problèmes. Dans le jeu de langage que constitue l'ordre de sa mère, il apprend en même temps ce qui est à examiner et ce qui ne l'est pas.
Jeu avec les codes
Le graphisme d'Archer est à la fois admirable et agréable à suivre. Sa relative simplicité - une sorte d'équivalent de la ligne claire à l'écran, lui permet une formidable plasticité dont la série joue habilement pour explorer différents genres.
Une force majeure de la série est de multiplier les références littéraires et culturelles, les personnages pouvant aussi bien intégrer dans une conversation banale des vers de Shakespeare (cela, tout naturellement) que se disputer à propos du dernier Star Wars. Chacun, en fonction de son bagage culturel, plus (Shakespeare) ou moins riche (Star Wars), peut donc prendre du plaisir dans les détournements ou pastiches incessants. Bien-sûr, il y a en particulier pléthore de références au septième art - scénario d'Hitchcock ou univers à mi-chemin entre 2001 et le Huitième Passager dans l'un des rêves d'Archer.
Enfin, les mondes futuristes sont des terrains de choix, et en particulier les inventions folles du scientifique nazi, pour soulever des questions éthiques (mariage avec un hologramme !), des interrogations sur la frontière entre le vivant et la robotique mais aussi des questions d'ordre anthropologique ou même ethnologique.