Voici un reportage très intéressant visible sur Arte jusqu’au 30 avril 2020. Sa spécificité est de faire témoigner des femmes musulmanes croyantes qui, une fois n’est pas coutume, savent, plus que beaucoup d’hommes, parfaitement séparer la religion de son cortège de traditions ou de récupérations politiques voire tout simplement masculines.
Un rien prosélytes, les femmes qui témoignent citent des sourates mais quittent ensuite la lettre du Coran pour en saisir l’esprit, ce qui devrait être une évidence pour toute personne sensée des démocraties contemporaines.
Les témoignages nous font comprendre que, comme tout religion, l’Islam des origines a essayé de gérer au mieux une société patriarcale, comme l’était la société juive ou la société chrétienne. Aucune religion monothéiste n’a prôné, conseillé, organisé, l’asservissement d’un groupe par un autre, que ce groupe se définisse par l’appartenance sexuelle ou économique.
Là où cependant le reportage semble un peu faible est le peu d’explications sur les choix paradoxaux de femmes évoluées, éduquées, parfois avec des postes à responsabilité. « Choix » par exemple de porter le voile en Europe ou aux Etats-unis alors que tous les exégètes non fanatiques reconnaissent que l’injonction de le porter ne vient pas du Coran ( le spécialiste de la pensée islamique A.Charfi est sollicité plusieurs fois dans le reportage). La pression sociale n’existant plus, il peut sembler absurde de maintenir cette tradition ostracisante, machiste et archaïque - pour ceux que ça intéresserait, il y a le beau roman de Azar Nafisi : « Lire Lolita à Téhéran » , exprimant la résistance des intellectuelles qui essaient de s’affranchir de cet objet symbolique de soumission. On aurait aimé savoir ce qui les motive et pourquoi elles présentent comme un choix, qu’on peut juger facile, ce qui est une obligation dans les républiques islamistes…
Rien non plus sur cette nouvelle mouvance dans les milieux éduqués européens de femmes qui décident de porter le voile alors que ça n’appartient pas à la tradition française à laquelle elles appartiennent. Au-delà de la provocation, au-delà de l’errance spirituelle de gens qui ont été coupés de leurs racines chrétiennes, il y a bien là un vieux relent de colonialisme pittoresque qui s’approprie une culture ( plus qu’une religion) en dominant essayant de surmonter sa mauvaise conscience…
Donc, un bon reportage car il va à contre-courant d’une doxa qui pense que les religions asservissent, et déjà les femmes, mais qui laisse un peu sur sa faim et qui n’aborde pas vraiment les problématiques essentielles de ce retour du religieux de nos jours .