J'ai beaucoup d'admiration pour Donald Glover, acteur talentueux que j'ai découvert dans la géniale série Community, mais aussi musicien reconnu sous le pseudo de Childish Gambino, dont plusieurs morceaux squattent mes playlists depuis plusieurs mois déjà. Mais j'ai mis du temps à me lancer dans sa série. Je pèse mon pronom possessif, tant Glover semble présent sur tous les fronts créatifs. La peur d'être déçu, sans doute, mais la moindre des choses était de lui accorder une chance.
Atlanta est fascinante sur beaucoup de points. Je pense d'abord à sa mise en scène, qui flirte souvent et joyeusement avec l'absurde, avec une dextérité impressionnante qui fait que tout semble coller, y compris quand il est question de voitures invisibles. Je dirais même que l'absurde donne une touche poétique à l'ensemble, tant elle s'attache harmonieusement à une description sinon réaliste des difficiles conditions de vie de ses personnages. Car ce sont de jeunes gens précaires que l'on nous présente, paumés et fauchés, mais qui posent sur leur condition un regard lucide, mélange d'ironie cruelle et de colère contre une société injuste. Ce ton les rend tous attachants, sans exception, surtout Darius, un vrai gentil dont le rapport au réel est plein de surprises.
L'écriture est une autre force de l’œuvre, à commencer par ses dialogues, ciselés et souvent très drôles, portés par un casting excellent, du premier au plus petit rôle. La série n'hésite pas à dénoncer franchement des injustices criantes, et donne l'impression réjouissante de se savoir politique et de l'affirmer avec une finesse qui lui donne beaucoup de force. La réalisation est aussi pleine de bonnes idées, essayant toujours de faire un pas de côté face à la situation présentée. La série peut donc se targuer d'une sincérité et d'un talent désarmants.
Néanmoins, je ne suis pas totalement conquis, et je crois que c'est surtout du fait de la progression dramatique un peu confuse du show. Tout au long du récit, il ne semble pas y avoir de réel enjeu de fond. La série aborde pourtant une multiplicité de thèmes intéressants et centraux dans la société américaine, souvent avec justesse qui plus est : les Noirs et leurs perception par le reste de la société, la parenté, la pertinence des médias, l'omniprésence des réseaux sociaux... Mais souvent il m'a semblé être devant un patchwork, certes très ouvragé, mais qui manque d'une vue d'ensemble, ce qui fait perdre du souffle au récit, que j'ai fini par regarder comme une sitcom dont j'avais hâte de connaître le nouveau sujet plutôt que comme une histoire au long cours, ce que j'attendais plutôt.
Durant les deux ou trois derniers épisodes, je me suis fait la réflexion de ne pas avoir l'impression de savoir où la série voulait m'emmener, et cela ne me pose pas de problème en soi, tant que je vais quelque part. Malheureusement, à la fin d'Atlanta, je me suis retrouvé le bec dans l'eau, sans savoir pourquoi finir là, et de cette manière, comme si n'importe quel épisode aurait pu finir comme ça. Il m'a manqué le sentiment d'une réelle progression dramatique, d'une évolution des personnages, d'un changement par rapport à la situation de départ.
Même si la série nous montre Earn commencer à vivre de son métier de manager. Mais cela me semble un peu maigre, tout comme l'évolution de sa relation avec Van.
La série reste tout de même une belle réussite, qui me fait attendre la deuxième saison avec impatience, cette première expérience d'écriture et de réalisation (!) m'ayant donné la plus totale confiance en Glover pour la suite. Le propos est sincère et soigné, et c'est très important.