Atypical
7.1
Atypical

Série Netflix (2017)

Voir la série

"OOOOh et si on parlait de l'asperger, c'est tendance non ? Allez envoyons la caricature"

Je ne reviendrai pas sur les rôles genrés et la structure traditionnelle et conservatrice des fonctions selon les sexes, ni du sexisme ambiant qui plane et ces répliques abominables qui ne sont jamais totalement niées. (une autre critique de la série le met en exergue)
Je ne possède pas non plus les outils pour analyser cinématographiquement, je peux tout au plus dire que je n'ai rien trouvé d'extraordinaire dans la manière de filmer/monter et me suis ennuyée par moments, que c'était banal, pas trop mal joué mais sans plus.
Je préfère tabler sur l'autisme et sa représentation.


Il a été évoqué que Sam était trop cliché, pour un asperger, de son âge qui plus est après le vécu social qu'il aurait dû avoir. Il l'est moins, bien moins, que les stéréotypes destructeurs que l'on voit partout tels que Sherlock Holmes (je l'apprécie mais il est le cliché de l'autiste savant), Raymond dans Rain man et d'autres. Il n'est pas cet autiste savant aux facultés extraordinaires mais un peu "weird" ou "creepy". Il n'est pas Sheldon Cooper, Tempérance Brennan, il n'est pas non plus les autistes connus des médias, Daniel Tammet pour ne citer que lui. Il est donc bien plus proche d'un autiste comme l'on peut en croiser au quotidien, dans sa vie. Cependant, il n'en reste pas moins quelque peu exagéré, un tableau caricatural de l'asperger. (A moins qu'il ne soit classique mais à haut niveau de fonctionnement... Les terminologies sont obscures déjà dans une langue alors entre anglais et français, c'est encore pire dans les traductions. Autisme de haut niveau, asperger, n'étant pas la même réalité qu'autisme à haut niveau de fonctionnement -ce qu'est Temple Grandin semblerait-il).
Une part peut s'expliquer par une approche psycho-sociale, abordée elle-même dans la série qui avait quelques surprises agréables tout de même, sa mère elle-même avouant l'avoir enfermé dans une bulle, ce qui expliquerait ses difficultés à cet âge. Je ne nie pas que, peut-être, certains asperger soient tels que lui, néanmoins homme ou femme nous avons dû nous plier que nous le souhaitions ou non, soyons diagnostiqués ou non, protégés ou non, aux règles de vie en société neurotypique. Nous avons donc dû apprendre le caméléon, l'imitation, l'intégration forcée ce qui dépeint au final un profil bien plus nuancé et discret que Sam. Sinon, que l'on m'explique, si ce n'est pas par mauvaise foi et ignorance, le fait que bon nombre d'asperger ne soient pas diagnostiqués avant leur propre démarche souvent tardive.
Toujours est-il que, malgré cette explication d'avoir été protégé et coupé du monde dans une bulle ouatée, Sam reste cliché. En tout cas, fortement exagéré. Oui, qu'il soit encore si marqué dans certains symptômes s'explique ainsi, mais eux-mêmes sont fortement exagérés et peu naturels.
Autre point gênant, c'est que l'appui est mis sur ses capacités sociales que l'on en oublierait presque les autres composantes du syndrome. Les stéréotypies, les habitudes, la pensée visuelle, tout ces petits trucs, ces détails trop longs à lister ici toutefois essentiels. Ceci est évoqué, je ne peux non plus le nier, mais pas assez. L'on table sur ses déficits sociaux et sa recherche de petite amie, avec quelques scènes pour bien rappeler qu'il fonctionne différemment et que oui c'est un autiste.


Le traitement du père est intéressant, sur la honte de l'autisme, se rapprocher de son fils, être en équilibre entre respecter l'autisme, ses besoins particuliers, et le pousser tout de même vers autrui, tout en le gardant lui. Un équilibre difficile pour l'individu, même s'il est une motivation sociale, il est difficile de rester soi sans s'enfermer, de ne pas sombrer dans l'adoption de la communication NT en "compensant" au point de s'épuiser et s'oublier.
Dans les autres personnages, la mère m'énerve, la soeur m'énerve, l'ami, la petite amie qui me plaisait bien pourtant au départ, la psy en elle-même aussi bien que le personnage soit intéressant.
Tous m'énervent et m'agacent en plus de m'ennuyer. Banal et convenu comme traitement... Avec de jolis bordures et cases normées. Famille, amour, foyer, amitié, amant, barman, blablabla. (en soi je n'ai rien contre, c'est à ne voir que ceci que je suis exaspérée).
Le groupe sur l'autisme c'est le pompon.
Ce n'est pas une maladie l'on peut toutefois "s'améliorer", rester autiste ne veut pas dire rester isolé et enfermé en soi, ne veut pas dire ne jamais apprendre -pour soi- à gérer les imprévus, transformer ses stéréotypies si elles sont dangereuses -automutilation- ou simplement dérangeantes pour l'individu, utiliser les intérêts spécifiques de manière constructive -toujours pour soi et pas par pression extérieure-. Quant au fait de ne pas dire "my autistic son" mais "my son with autism"... Eh bien si. En français, et en anglais, ne pas dire "atteint de" je le défends, nous ne sommes pas atteints d'autismes, mais chipoter sur "la personne prime sur le diagnostic blabla" juste pour une question de forme et dire juste après "on ne revient jamais de l'autisme et on ne l'améliore jamais" me... Dérange. Et entendre "mon fils autiste"... au contraire ne me dérange pas. Comme dire "Je suis autiste" est quand même plus rapide que "j'ai une forme d'autisme etc.". Cela ne définit pas l'individu entièrement, il n'empêche que l'on ne le possède pas -de même que HQI, on ne possède pas le potentiel, on l'est, c'est un fait pas un potentiel à utiliser ou non- on l'est. Et l'argument "pour les gens, leur sensibilité, ils ne savent pas, ils ont des clichés en tête" j'ai très envie de lui répondre sans réfléchir "qu'ils apprennent.". Ce n'est pas en ménageant les gens qu'ils apprendront, ce n'est pas en toujours nous dissimulant et nous adaptant que nous parviendrons à quoi que ce soit. Ce n'est pas en atténuant pour ne pas trop choquer que nous ferons connaître notre réalité. Pour les surdoués également, devoir justifier une demi-heure que c'est un fonctionnement neuro-biologique différent et que si je dis une intelligence supérieure c'est de manière neutre et que ce n'est pas seulement cela... me fatigue. Devoir atténuer en disant haut potentiel ou zèbre, avoir honte de son QI et refuser de le dire pour faire semblant d'entrer dans la définition de la modestie, clamer "c'est une différence hein" par refus de dire "oui, surdoué, cognitivement sur-doué" parce que tout de suite une valeur est associée avec pléthore de jugements sur l'énonciateur. Bref, c'est une critique pas un réquisitoire. Surdoué c'est court et descriptif comme terme. Et effectivement, le QI fait une différence même entre surdoués, une différence de vécu importante.
Je m'emporte et dérive, c'est pour moi à préciser tout même, il n'y a après tout pas de lieu spécifique pour un petit discours sur l'autisme/HQI, surtout sur une série qui prétend traiter de l'autisme.


J'ai senti un "écho autistique" plus important avec le personnage de Newt Scamander de Fantastic beasts qu'avec lui. Alors que Newt ne l'est pas officiellement et n'était pas censé l'être, c'est plutôt le jeu de E.Redmayne qui le transmet. Très bien même.
Je ne dirais pas que c'est l'acteur non autiste le souci d*'Atypical*, le souci avec ce pantin affabulé de l'étiquette autiste, je dirais que c'est l'écriture. Je me moque personnellement que l'acteur soit ou non ce qu'il joue, ce qui me gêne est en amont. Je suis entièrement d'accord avec les équipes scientifiques qui disent qu'il faut un autiste dans le groupe pour les recherches sur l'autisme. Ceci s'applique - à mon sens- à tout. Il faut quelqu'un de concerné pour en parler, quelqu'un de concerné à qui se référer, quelqu'un de concerné qui vérifierait, qui donnerait son aval, son point de vue. C'est une série détente, sur Netflix et pas un documentaire scientifique, j'en suis consciente. Mais c'est un autre stéréotype de l'autisme qui est donné, ce n'est plus le savant aux capacités extraordinaires -qui derrière est confondu avec le HQI, qui est différent, les deux peuvent coexister mais ceci est extrêmement rare- c'est le stéréotype du "nerd" ou du "weirdo" bizarre mais "on l'aime quand même malgré ses bizarreries". Avec de jolis cadres tout beaux tout droits pour tout le reste. J'ai trouvé le brossage des personnages rapides, je les ais trouvés incohérents, ils changent magiquement pour le scénario sans profondeur ni cohérence, Sam lui-même n'est pas creusé. J'ai plus l'impression de "regardez un autiste ! On s'affranchit des clichés dessus et on en parle parce que c'est mode l'autisme en ce moment, on va par contre prendre les traits et caricaturer à l'extrême, hein, sinon c'est pas rigolo".


Dernier point, dans le traitement de l'autisme par les autres personnages. La mère a surprotégé, la soeur aussi poussée par cette dernière, simple constatation je ne jugerais pas, la psy à l'air de faire un bon boulot et le père est vraiment bien là-dessus, mais la copine... Les cartes m'ont prodigieusement agacée.
Si la personne veut converser, elle doit en effet apprendre un minimum la réciprocité, elle ne peut parler sans arrêt à quelqu'un de son intérêt spécifique sans laisser l'autre s'exprimer. Or, en retour, l'autre devrait tout de même l'écouter en parler un peu, le laisser faire -surtout si comme Paige il a fait des recherches et connait les intérêts spécifiques dans l'autisme- et ne pas dire que c'est ennuyant ou le faire stopper avec de stupides cartes. Ce traitement est absolument détestable je trouve. Dès qu'il en parle un minimum il perd une carte et ne peut plus en parler lorsqu'il n'en possède plus... J'étais assez estomaquée que la série laisse ceci en place sans dire à un seul moment que ce n'était pas bon et complètement injuste, qu'elle le place même plutôt comme quelque chose de positif. Ne pas en parler tout le temps oui, ne pas en parler du tout notamment avec sa/son copine/copain, non. Si les NT peuvent discuter de leurs passions, pourquoi pas entre un NT et un autiste... Elle l'aime, ce n'est pas une raison, mais rien que par considération, elle ne devrait pas le brider ainsi sur ce point, elle ne devrait pas instaurer ceci. Je m'écarte mais par conditionnement passif (Pavlov) l'intérêt spécifique sera associé à quelque chose de négatif, à la longue l'individu n'osera plus en parler avec quiconque (du vécu personnel. A force d'obtenir des réactions négatives et ne faire qu'écouter les autres, je n'en parle plus à personne et je ne veux même plus discuter. C'est l'asperger qui reproche la non-réciprocité aux autres... Le comble pourrais-je dire). Autrement dit, je n'ai pas apprécié que parce que c'était un intérêt "bizarre" il soit bafoué et tu. Et pour entrer dans la norme. Cet équilibre tient plutôt dans la série entre "norme" et "lui" sauf sur les intérêts spécifiques, en totale contradiction avec l'attitude de Paige rapport au placard par exemple qu'elle accepte et le fait qu'elle fasse des recherches. Incohérences, bonjour bonsoir on est là !


Du moins, le sujet est évoqué, l'autisme est évoqué, dans une dynamique différente et en progression vers la réalité. Ce n'est pas encore cela, cette série a pas mal de points que je n'ai pas apprécié, elle se laisse toutefois regarder, parfois attendrir, il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'un pas en avant pour l'autisme et sa représentation dans les médias.


(si Newt pouvait être dit comme tel ce pourrait être sympathique non, il a beau ne pas être censé l'être, Redmayne le joue bien. Vraiment bien. En tant qu'asperger, je l'ai vraiment apprécié... Alors que ce n'était pas du tout le sujet du film.)


NT : neurotypique, la structure dominante cérébrale. Ce terme est purement descriptif et n'implique pas le moindre jugement de valeur, et malgré le ton, il n'y a pas de dichotomie "nous vs eux" dans ma pensée et mes propos. Autre que la réalité de la différence cérébrale et le processus social de stigmatisation des non-NT.
NA : Neuroatypique (autisme, (T)HQI, troubles de la personnalité, schizophrénie, bipolarité, TCA, etc. ce qui se range derrière le terme varie en fonction des individus et de ses acceptions).

Indriya
4
Écrit par

Créée

le 4 janv. 2018

Critique lue 3.1K fois

6 j'aime

8 commentaires

Indriya

Écrit par

Critique lue 3.1K fois

6
8

D'autres avis sur Atypical

Atypical
Shortlegg
5

Dur dur de noter

Atypical se situe entre le 7 et le 4. Car il faut le dire, l'histoire est bien écrite, portée par de très bons acteurs avec une bande son et des multiples clin d'oeils qui raviront les amateurs de...

le 16 août 2017

23 j'aime

7

Atypical
Ann_ONyme
7

Sublimer la beauté dans la différence

Atypical vient juste de débarquer sur Netflix, et s'attaque d'ores et déjà à un sujet épineux, en tout cas difficile à traiter sans tomber dans le pathétique ou le mélodramatique : raconter le...

le 16 août 2017

18 j'aime

1

Atypical
Sarah_Frag
9

Tous pareils et pourtant si différents

Jolie série sur l'adolescence, l'arrivée à l'âge adulte, la routine du mariage, l'amitié, les petites choses de la vie quoi! C'est touchant, drôle, léger, en un mot: j'ai beaucoup aimé. Le thème de...

le 25 août 2017

10 j'aime

Du même critique

Captive
Indriya
9

"I felt a Cleaving in my Mind"

Emily Dickinson pour le premier épisode, Emily Dickinson pour le dernier, boucle de la poétesse. Des poèmes qui donnent le sens et en quelques traits, l'essence. (comme toujours avec Dickinson, peu...

le 13 janv. 2018

3 j'aime

L'Ombilic des limbes
Indriya
8

the limbo's earthworm

Je ne pourrais vraiment écrire de critique laudative ou péjorative. Pas une critique de goût, pas non plus évaluative ou explicative de ce texte. Il est si complexe et protéiforme qu'il n'est guère...

le 30 oct. 2017

3 j'aime

Les Liaisons dangereuses
Indriya
9

Merteuil ô Merteuil !

Je ne sais s’il est possible d’écrire une critique à la hauteur de cet ouvrage, qui vraiment le comprenne et l’explique, qui lui rende hommage ou le condamne en toute connaissance de cause ? Il...

le 3 oct. 2017

3 j'aime